Charte pour une agriculture et une alimentation durables et solidaires

DES CONSTATS POUR AGIR

À l’origine de la faim et de la malnutrition : pauvreté et inégalités

Plus de 800 millions de personnes dans le monde, soit 1 personne sur 9, principalement des ruraux, souffrent de la faim. Il s’agit pour moitié de paysannes et de paysans. La majorité vit en Asie. En Afrique, 1 personne sur 5 est sous-alimentée et en Europe la faim réapparait. Parallèlement les taux de surpoids et d’obésité s’accroissent1.

La pauvreté, les conflits, l’accaparement des terres, l’insécurité, les discriminations de genre, l’accès inégal aux moyens de production (terre, eau, semences, stockage, crédit etc.) et les dérèglements du climat engendrent la faim et la malnutrition.

Pourtant la production agricole peut être suffisante pour nourrir les 9 milliards d’habitants de la planète à l’horizon 2050. Encore faut-il des politiques volontaristes qui encouragent les productions locales et les marchés régionaux. Or, on constate plutôt un désengagement des États et la diffusion du modèle agro-industriel dominé par les multinationales, déstabilisant l’agriculture familiale et paysanne.

Un système alimentaire mondial  inéquitable

Les multinationales disposent aujourd’hui d’un pouvoir économique, politique et juridique  énorme face aux agriculteurs, aux entreprises locales et aux États. Une production et une distribution de masse standardisées, y compris dans les pays les plus pauvres, exacerbent la faim et la malnutrition et détruisent des emplois. Ce système repose principalement sur la monoculture et la spécialisation ainsi que sur un usage intensif d’intrants chimiques qui dégradent la qualité des aliments et contribuent à l’épuisement des sols et au recul de la biodiversité. Il engendre gaspillage et externalités négatives, économiques, sociales et environnementales, dont le montant est estimé à deux fois le budget de la France2. La corruption et l’évasion fiscale provoquent la fuite de ressources qui pourraient financer des politiques agricoles et de coopération durables et solidaires.

Une concurrence qui exclut les plus faibles

Les accords de libre-échange mettent en concurrence des producteurs et des transformateurs qui évoluent dans des contextes très différents. Ils dérégulent les marchés mondiaux, provoquent la volatilité des prix et des revenus insuffisants. Il en résulte une exclusion des paysans les plus vulnérables qui rencontrent des difficultés croissantes d’accès aux ressources, aux moyens de production et aux marchés ainsi qu’une exploitation des travailleurs agricoles. Dans de nombreux pays, le métier d’agriculteur n’est pas reconnu au plan juridique, ce qui empêche une représentation politique et sociale.

Vulnérables parmi les plus vulnérables : les femmes et les jeunes

Dans beaucoup de pays, l’accès aux ressources,  en tout premier lieu au foncier, ainsi qu’à la formation est plus difficile pour les femmes que pour les hommes. Elles sont peu représentées par et dans les syndicats et les organisations paysannes. Leur rôle dans le secteur agricole et alimentaire est crucial mais elles risquent d’être exclues lorsque les activités deviennent plus rentables. À travail égal, les travailleuses agricoles touchent un salaire beaucoup plus faible que les hommes. Or, la faiblesse des revenus des femmes, la durée de leur temps de travail et sa pénibilité ont des effets sévères sur la nutrition des enfants.

Ce système n’offre guère d’avenir aux jeunes (15-24 ans) qui représentent 20 % de la population mondiale. Plus de la moitié d’entre eux vivent dans les zones rurales des pays en développement. Le manque de formation, le difficile accès aux espaces de décision et les incertitudes des marchés ne créent pas d’attractivité pour les métiers agricoles ni de perspectives d’activités rémunératrices.

Un foisonnement d’initiatives durables et solidaires

L’agriculture familiale et paysanne produit 70 % de l’alimentation consommée dans le monde, et crée des emplois et de la richesse sur les territoires. Partout, des consommateurs sont soucieux de la qualité de leur alimentation. Des citoyens s’organisent et inventent d’autres modes de production et de consommation qui répondent aux principes du commerce équitable et favorisent l’agroécologie.

NOS AMBITIONS : RÉFORMER LE SYSTEME AGRICOLE ET ALIMENTAIRE

Le CFSI agit pour des transitions économiques, environnementales et sociales inclusives. Il défend :

  • le droit à l’alimentation qui est réalisé lorsque chacun a un accès, tant physique qu’économique, à tout instant, à une alimentation adéquate et choisie, ou aux moyens de se la procurer ;
  • la souveraineté alimentaire qui est le droit des peuples à définir leurs propres politiques agricoles et alimentaires sans nuire aux populations des autres pays ;
  • la démocratie alimentaire qui fait du consommateur un citoyen partie prenante de la gouvernance alimentaire sur son territoire et implique la concertation entre tous les acteurs3 ;
  • l’exception agricole et alimentaire qui considère que l’alimentation n’est pas une marchandise comme une autre car elle est nécessaire à la vie et que sa production est soumise aux aléas climatiques. Elle doit être exclue des accords de libre-échange.

Pour cela, le CFSI travaille à la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD), en particulier : faim zéro, bonne santé et bien-être, travail décent, consommation et production responsables, préservation et restauration des écosystèmes terrestres. Il soutient des systèmes agricoles et alimentaires durables et solidaires qui :

  • sont créateurs d’emplois agricoles et ruraux, instaurent des conditions de travail et de revenus décents ;
  • permettent l’accès de toutes et tous aux ressources et garantissent leur autonomie ; 
  • valorisent de manière durable les ressources sans brevetabilité du vivant, sans recours aux OGM et en évitant les intrants chimiques ;
  • visent un développement équilibré des territoires, sont capables de s’adapter aux changements climatiques et de contribuer à leur atténuation ;
  • garantissent, y compris dans les modes de distribution, l’accès de tous à une alimentation saine, nutritive et en quantité suffisante, prennent en compte la diversité culturelle et les préférences alimentaires ;
  • privilégient la consommation de denrées issues de l’agriculture familiale et paysanne, produites et transformées à l’échelle territoriale, les échanges mondiaux restant utiles mais non prioritaires.

TRAVAILLER AVEC DES ACTEURS CLÉS

Pour atteindre les ODD, le CFSI réunit des acteurs engagés dans la solidarité internationale, qui soutiennent des systèmes agricoles et alimentaires durables et solidaires et le changement d’échelle des initiatives locales et paysannes. Dans les pays les plus pauvres et en France, le CFSI agit avec les acteurs directement impliqués dans les systèmes agricoles et alimentaires :

  • les paysannes et les paysans pour soutenir leurs initiatives en faveur de l’agroécologie et offrir des perspectives aux nouvelles générations ;
  • les travailleuses et travailleurs agricoles pour promouvoir un travail décent ;
  • le secteur artisanal de la transformation et de la distribution pour développer le consommer local et créer de la valeur ajoutée ;
  • l’agro-industrie, les services et la grande distribution pour qu’ils respectent les textes relatifs aux droits humains, sociaux et environnementaux ainsi que l’obligation de redevabilité ;
  • les consommateurs pour qu’ils s’approprient ces enjeux et agissent en tant que citoyens.

Le CFSI intervient auprès des États, institutions internationales, collectivités territoriales, acteurs de la recherche, de la formation, de l’enseignement et du conseil.

Pour réaliser le droit à l’alimentation, le CFSI appelle à une large mobilisation. Aujourd’hui s’affrontent des modèles antagonistes. Choisissons de faire avancer ceux qui sont durables et solidaires !

Texte adopté par l'Assemblée générale du CFSI en juin 2018.

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1- FAO, Fida, OMS, Pam et Unicef. 2017. « L’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2017. Renforcer la résilience pour favoriser la paix et la sécurité alimentaire ». Rome, FAO.

2- Source Ipes Food www.ipes-food.org/

3- Ipes Food « Les choix dans le domaine alimentaire seront mieux informés par un diagnostic posé par une diversité de parties prenantes, et les solutions seront mieux définies par une gamme de propositions émanant de ces acteurs »