Etude de la filière manioc en Côte d'Ivoire
Cette étude de Rongead s'inscrit dans un projet, mené en partenariat avec Chigata, de renforcement de deux filières stratégiques pour la sécurité alimentaire en Côte d’Ivoire : la banane plantain et le manioc. Le manioc, d’abord cultivé en culture associé, est progressivement devenu une « spéculation » à part entière du fait de l’urbanisation et du succès de l’attiéké. Il a offert une activité de transformation en milieu rural. Toutefois, la filière est pour le moment peu rémunératrice.
Culture plus « sécurisante » que « rentable »
La production est presque systématiquement excédentaire étant donné la faiblesse de l’investissement nécessaire. Si on y ajoute la périssabilité élevée du produit et la concurrence toujours croissante, on comprend pourquoi les prix restent à des niveaux très bas et que les producteurs en tirent peu de revenus, excepté en cas de commercialisation dans les très grandes villes (Abidja, San Pedro) ou d’export vers la sous-région. Les avantages de la culture sont plutôt son faible coût, son potentiel de stockage « sur pied » et la possibilité de transformation artisanale dans les périodes de réduction du temps de travail sur l’exploitation agricole. On pourrait qualifier la culture du manioc de culture « sécurisante » plus que de culture « rentable ».
Maîtriser les coûts de la production
Les avantages « sécurisant » du manioc pour les producteurs fait perdurer la situation de surproduction et de prix structurellement bas. Dans ces conditions, Il semble donc plus intéressant d’orienter la recherche et la vulgarisation en ce qui concerne le manioc sur la mise en place de technique de production permettant de réduire la charge de travail ou d’augmenter la production sans apports d’intrants.
L’utilisation de culture de couverture pour réduire le travail de défrichage et de sarclage et toutes les formes d’associations culturales améliorées qui peuvent permettre réduire la charge de travail sont probablement celles qui ont le plus de potentiel.
Maîtriser les coûts de la transformation
Les foyers de cuisson d’attiéké sont généralement alimentés au bois ou au charbon, ce qui contribue à la déforestation, à l’émission de gaz à effets de serre, et constitue une part importante des frais des transformatrices. De plus, ce mode de cuisson rend le travail pénible et nocif pour leur santé. Des foyers améliorés peuvent permettre d’économiser 50 à 80% du combustible tout en étant faciles à fabriquer, avec des matériaux locaux donc peu coûteux.
Diversifier l’offre
La dynamisation de la demande devrait rester au centre de toutes les attentions car ce sera le moteur de l’évolution de ce secteur au cours des prochaines années.
Il existe de nombreux débouchés potentiels pour des produits transformés à base de manioc, pour l’alimentation humaine mais aussi pour le bétail, pour le textile, le plastique ou les produits pharmaceutiques. Le secteur public peut favoriser les investissements dans ces secteurs à travers des régulations incitatives. Notamment, pour l’utilisation de farine panifiable à base de manioc dans la boulangerie, plusieurs acteurs du secteur ont souligné que sans règlementation le secteur de la boulangerie restera réticent à adopter la farine de manioc. Le modèle du Nigéria et de sa règlementation obligeant à une utilisation minimum de farine de manioc croissante dans le temps pourrait donc être repris en Côte d’Ivoire avec un effet positif sur le secteur agro-industriel, sur la filière manioc et sur la balance commerciale de la Côte d’Ivoire.