Paysan africain, un métier d'avenir
Pour que l'Afrique puisse se nourrir, il faut que l'agriculture soit plus attractive pour les jeunes. Cela passe par l'accès à la formation, à la terre, au crédit.
Photo : Jeune Malgache formé par les MFR, ici dans son champ de taro © Julie Erceau
A 32 ans, Amadou Sow a réussi son pari : devenir agriculteur et vivre de son activité. Rien n’était pourtant écrit en 2005 quand, sur les conseils de son oncle, il suit une formation agricole à Dakar avec l’intention de s’installer. « Mon diplôme en poche, j’ai eu des difficultés à trouver des terres dans la région de Thiès, à 70 kilomètres de la Capitale, la plupart des hectares disponibles étant convoitées par les industriels et les collectivités locales pour faire face à l’urbanisation», se souvient-il. Grâce à un lobbying acharné auprès du président de la communauté rurale, il a fini par obtenir 3 hectares en 2006. Un levier pour convaincre les banques de lui accorder un prêt de 4 millions de francs CFA (6 000 euros) et développer des cultures légumières et fruitières destinées essentiellement au marché local. Devenu secrétaire général du collège jeunes du CNCR (Conseil national de concertation et de coopération des ruraux), plateforme des organisations paysannes sénégalaise, Amadou Sow cherche aujourd’hui à mobiliser les pouvoirs publics pour mettre en place une politique favorisant l’installation de jeunes agriculteurs.
Cette prise de conscience s’explique aussi par des raisons démographiques : « Actuellement, quand un enfant du village sort de l’école avec son bac technique en poche, et que sa région, son département et son village ne lui offrent aucune perspective d’avenir, il va à la capitale ou émigre, alors que nous avons besoin de ces jeunes pour produire et reprendre les exploitations familiales », met en avant Mamadou Cissokho, président du Roppa. Dans les pays du Sud, les moins de 15 ans représentent aujourd’hui 28% de la population et 47% en Afrique subsaharienne. En 2050, 27 millions de jeunes africains arriveront annuellement sur le marché du travail, la plupart sans qualification La mise en place d’une offre éducative et de formation professionnelle est indispensable pour leur avenir.
Etats pionniers
« C’est la première étape à laquelle s’attèle un nombre croissant de pays en rénovant leurs formations agricoles », note Benjamin Duriez, responsable des partenariats internationaux des Maisons familiales et rurales. Ces centres de formation français ont essaimé dans les pays du Sud. « Nous proposons des cursus adaptés aux situations locales avec des résultats à la clé. Au Bénin, par exemple, 80 % des jeunes diplômés s’installent alors que la moyenne nationale oscille entre 5% et 10%, remarque-t-il. Reste que peu d’Etats se sont encore intéressés aux mesures à prendre pour faciliter l’accès à la terre et au crédit pour les jeunes agriculteurs. Cette situation explique pourquoi près de 50 % des diplômés préfèrent encore devenir fonctionnaires. »
Parmi les plus avancés, Madagascar, où les MFR présentes depuis 10 ans sont impliquées dans les instances de concertation des politiques de formation agricole et rurale, a adopté une stratégie nationale de formation agricole soutenue par le FIDA (Fonds international de développement agricole), une agence de l’ONU. « Des collèges agricoles et centres de formation ont été créés pour accueillir des jeunes souhaitant s’installer en agriculture. Objectif : leur permettre, dans un premier temps, d’aider leurs parents ou des agriculteurs locaux à diversifier leur production agricole sur leur exploitation avant de prendre la relève ou de trouver des terres disponibles pour voler de leurs propres ailes», indique Bertrand Wybrecht, chef du bureau des relations européennes et de la coopération internationale au ministère français de l’agriculture. La question de l’accès des jeunes à la terre comme aux financements est en effet toujours aussi problématique…
Le Cameroun fait aussi partie des rares exception. Avec l’appui de la coopération française, il a mis en place en 2008 le programme AFOP (Programme d’appui à la rénovation et au développement de la formation professionnelle dans les secteurs de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche) qui repose sur trois principaux piliers : la mise en réseau d’une centaine de centres et d’écoles destinés aux candidats à l’installation et aux futurs conseillers agricoles, un service d’accompagnement des jeunes tout au long du déploiement de leur projet et une enveloppe financière pour bonifier les prêts bancaires nécessaires à la mise en route de leur activité.
Article issu du numéro spécial d'Alternatives Economiques "Agriculture familiale, le défi", réalisé en partenariat avec le CFSI, dans le cadre de l'Année Internationale de l'agriculture familiale.