Au Sénégal de la microagriculture urbaine : le boom
Le Centre d’écoute et d’encadrement pour le développement durable (CEEDD) est une association basée à Thiès. Il développe les capacités des femmes en microagriculture urbaine pour favoriser leur autonomie. Elles peuvent ainsi, diversifier l’alimentation de leur famille et dégager un revenu supplémentaire. Rencontre avec Oumy Seck, présidente du CEEDD, et Abir Nur, coordinatrice des programmes d’agriculture urbaine.
Pourquoi développer la microagriculture dans les jardins ?
À Thiès, les familles disposent souvent de larges cours dans leur maison. Les valoriser sous la forme de jardins horticoles permet aux femmes confrontées à la pauvreté et au chômage de produire des légumes, des fruits et des plantes aromatiques. Elles le font pour l’autoconsommation et la vente en circuit court. Cette innovation a été largement suscitée par le constat que nous faisions en tant que relais de sensibilisation en santé et nutrition communautaire : la faible consommation de légumes, en particulier chez les citadins et les personnes vulnérables, comme les femmes enceintes et les personnes âgées, a de graves conséquences sur leur santé.
Le microjardinage garantit l’accès de tous à une alimentation de qualité, issue de l’agriculture saine et durable. La microagriculture enrichit le bol alimentaire sans peser sur le budget des familles. Pour améliorer la qualité nutritionnelle, quelques carottes de plus ou des épinards pour l’apport en fer ne sont pas négligeables !
On constate aussi des effets sur le revenu des cultivatrices urbaines : celles qui ont un surplus d’une variété de légumes peuvent le vendre et acheter un autre produit que leur jardin ne produit pas.
Comment la microagriculture s’adapte-t-elle aux besoins des urbains ?
L’espace manque en zone urbaine. Néanmoins, les habitations de la ville de Thiès disposent souvent d’une cour sans revêtement, assez large pour accueillir un petit jardin horticole sur sol ou sur des supports de fortune. Il a fallu plusieurs séances de causeries, des ateliers de formation et des échanges d’expérience pour trouver les meilleures solutions pour chaque type de cour, ainsi que pour les maisons dont le toit en terrasse se prête bien à la culture sur supports de fortune. Les cultures sont placées dans des pneus usagés, des bidons en plastique, des caisses en bois dont les parois intérieures seront recouvertes de feuilles étanches ou en plastique pour retenir l’eau, des bouteilles, des cageots, etc. Par exemple, sur un sol carrelé ou avec un revêtement en ciment, les femmes récupèrent des pots en plastique (bassine ou bidons qui ne servent plus dans les maisons) dans lesquels elles mettent du sable, du fumier. Elles les disposent selon les besoins des plantes en lumière et en humidité. Elles adaptent le support, sa dimension, sa largeur, afin d’être à l’aise pour cultiver.
Nous aménageons aussi des espaces urbains non utilisés (friches, espaces publics…) quand le sol n’est pas cimenté, et nous les protégeons ainsi du risque de servir de dépotoirs d’ordures ménagères. Des briques délimitent des carrés avec une profondeur suffisante pour permettre à la plante de se développer sur des bâches avec une couche de sable et fumier.
Au cours de ces trois dernières années, nous avons développé des partenariats avec les communes de la ville. Elles ont mis à notre disposition des espaces publics (places publiques, avenues, jardins d’institutions) que nous exploitons sous la forme de jardins collectifs, pour les maraichères, et d’espace de détente, pour les citadins. Un grand nombre de places publiques de la ville sont à l’état d’abandon, et nous poussons les autorités et les populations à mieux les gérer dans la perspective d’un environnement urbain propice au bien-être. [...]
Propos recueillis en octobre 2017 et édités par Marie Cosquer (CFSI)