Au Sénégal, des cantines scolaires proposent des produits locaux

Expertise de terrain
Langue(s) : Français
Filières : Multifilières
Pays : Sénégal

Mamadou Niokane coordonne le Grdr en Casamance. Il suit notamment un projet d’approvisionnement des cantines scolaires et des marchés de Ziguinchor par les maraîchères des quartiers péri-urbains.

Dominique Laure, chargée de projets au Grdr à Dakar, gère le projet "Système alimentaire durable et lutte contre la malnutrition" (Sadmad) dans la continuité d’actions plus anciennes de promotion des produits locaux dans la restauration scolaire.

Le Grdr accompagne ainsi les collectivités locales dans la mise en place de systèmes alimentaires relocalisés.

CFSI : Approvisionner, à Dakar et à Ziguinchor,  des cantines scolaires par des circuits courts… Quelle est l’origine de ces initiatives ?

Mamadou Niokane : fin 2013, la fondation Nicolas Hulot a commandité une étude afin d’identifier les vulnérabilités alimentaires de la région de Dakar et les perspectives. Le Grdr a coordonné la mise en œuvre de cette étude qui, outre le climat, considérait des déterminants de changement multiples : habitudes alimentaires, gouvernance foncière et évolution de l’accès à la terre sur le temps long,... Il s’agissait de prendre en compte la relation consommation-production et de définir des priorités d’action. Parmi ces dernières est ressorti l’approvisionnement des cantines scolaires en circuits courts. Les produits consommés à Dakar sont majoritairement importés : huile de soja, lait, riz. Pourtant les possibilités d'approvisionnement local existent. La production maraîchère est importante : 30 % des légumes consommés au Sénégal sont cultivés dans la région de Dakar. 
 

Dominique Laure : Depuis quelques années, le PAM a réorienté sa politique vers le Home-grown school feeding (alimentation scolaire locale). Au niveau du Sénégal, plusieurs initiatives vont dans ce sens. Le programme Purchase African for Africa (PAA), en lien avec la FAO, vise à soutenir des producteurs locaux pour approvisionner ensuite les cantines. Il concerne plusieurs pays de la sous-région et fonctionne sur le modèle brésilien. Les ONG Plan international et Counterpart appuient également le développement de champs communautaires pour l’approvisionnement de cantines scolaires en milieu rural. Toutefois, ces initiatives sont encore timides.

En 2014, lorsque le Grdr a démarré son intervention dans la région de Dakar, il n’y avait quasiment pas de cantines scolaires car la région était considérée comme riche par rapport au reste du pays. Il a fallu développer un plaidoyer pour faire comprendre la grande vulnérabilité alimentaire dans certaines zones, en particulier en banlieue.
En 2015, la Division des cantines scolaires (DCAS) rattachée au ministère de l’Éducation, a mobilisé pour la première fois un budget pour des cantines scolaires à Dakar…  qui n’a servi qu’à l’achat de produits importés : corned beef, petits pois, lentilles en boîtes, etc. ! En 2016 cependant, la DCAS a réussi à mobiliser un budget plus important qui a permis d’acheter quelques produits locaux (mil, maïs, niébé). Notre objectif est d’instaurer un mécanisme d’approvisionnement des cantines en produits locaux qui soit viable.

Sur quels acteurs vous appuyez-vous ?

D.L. : les écoles sont gérées par des comités de gestion (CGE), qui regroupent des délégués de quartiers ou chefs de villages, les directeurs d’écoles, des enseignants, des parents d’élèves, des conseillers municipaux. Ces CGE, instaurés en 2002, ont une existence juridique et un compte bancaire mais leur fonctionnement est aléatoire. Le projet Sadmad les responsabilise dans la gestion des cantines.
Le Grdr travaille en partenariat avec le Cadre régional de coopération et de concertation des Ruraux (CRCR) de Dakar. Ce dernier joue le rôle d’intermédiaire entre les organisations de producteurs (OP) membres et les CGE. Des prix sont négociés pour la fourniture, sur une période donnée, de produits frais et de qualité. Des contrats définissent ensuite la quantité, la qualité, le prix des produits et la fréquence de livraison. Le CRCR-Dakar négocie avec les organisations de producteurs et le Grdr accompagne les CGE dans l’élaboration de contrats avec les OP. Une convention est signée entre le Grdr et les CGE et une subvention leur est octroyée pour l’achat des denrées.

M.N. : le plus important, c’est qu’au-delà de la production, les acteurs de la distribution fassent évoluer le rapport de force entre produits locaux et importés. Aujourd’hui, ce sont les gestionnaires des cantines scolaires (parents d’élèves, enseignants, administrateurs des écoles) qui décident de ce que mangent les enfants. Malheureusement, on continue d’approvisionner ces cantines en produits importés. Ce que propose le PAM ne suffit pas. [...]

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Propos recueillis en mai 2016 par Clémence Pinson (CFSI), édités en juin 2016. Photos © Grdr