Au Sénégal : deux modèles de minilaiteries à l'épreuve
Agronomes et vétérinaires sans frontières (AVSF) accompagne les éleveurs dans la production de lait et son écoulement sur les marchés avec deux modèles différents d’organisations autour de minilaiteries : fédération d’éleveurs qui contractualisent avec les laiteries et éleveurs membres de laiteries coopératives. Moussa Baldé (à droite sur la photo) est le responsable des activités d’AVSF au Sénégal.
Pourquoi avoir choisi deux modèles différents pour structurer la filière ?
Nous travaillons sur la filière lait en Casamance depuis 1996. L’Institut sénégalais de recherches agricoles (Isra) testait à l’époque la production du lait en saison sèche, afin qu’il ne soit plus un produit saisonnier. Le protocole, comprenant la mise en stabulation des vaches, a été une réussite dans trois villages tests. Une fois la phase test suffisamment documentée, l’Isra s’est tourné vers AVSF pour assurer la diffusion de ces nouvelles pratiques auprès des éleveurs de la région. Notre intervention s’est concentrée sur le département de Kolda, puis de Vélingara.
Dans le département de Kolda, les éleveurs bénéficiaient de multiples projets d’appui à la production et nos efforts ont plutôt porté sur la structuration de la filière pour la commercialisation. Le modèle choisi fut celui d’une fédération de groupements d’éleveurs qui contractualisent avec une douzaine de minilaiteries privées, constituées en groupement d’intérêt économique1 (GIE) pour la plupart. Cependant, la fin du projet approchant, notre constat a été que la stabilité des laiteries n’était pas assurée sans AVSF. Elles rencontraient des soucis d’approvisionnement en lait et les éleveurs en intrants alimentaires et sanitaires. Finalement, la multiplicité des interventions a fait rentrer les éleveurs dans un cercle vicieux de dépendance aux subventions. Nous avions monté un système d’approvisionnement en graines de cotons autonome mais une autre ONG est venue subventionnée les graines de coton à 100%.
Lorsqu’en 2002 la production fut suffisamment renforcée dans le département voisin de Vélingara, AVSF n’a pas souhaité renouveler l’expérience des minilaiteries privées de Kolda. Cette fois-ci, nous voulions être certains de l’autonomisation des acteurs. Nous avons accompagné les producteurs à constituer des minilaiteries coopératives pour les encourager à travailler ensemble. Pour l’adhésion, nous avons demandé que les producteurs apportent un minimum de 50 litres de lait ainsi qu’une cotisation de 5 000 FCFA. Les quantités de lait collectées ont rapidement augmenté. À partir de 70 litres de lait collecté par jour, il est rentable de monter une unité artisanale. Aujourd’hui, chaque minilaiterie coopérative met en moyenne quotidiennement 120 litres de lait sur le marché. Trois des cinq coopératives sont presque entièrement autonomes, notamment sur la phase de production. En 2019, leur chiffre d’affaires global était d’environ 45 millions de FCFA et leur bénéfice 5 millions. Un travail d’accompagnement reste à faire pour rendre les coopératives plus autonomes sur la gestion administrative et financière.
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Propos recueillis en mai 2019 par Marie Drique et Chloé Judalet (CFSI), édités par Hélène Basquin Fané (CFSI)
Pour creuser le sujet :
- Capitalisation AVSF, AVSF sur les sentiers du lait local au Sénégal : un regard rétrospectif sur 18 années d’expérience en Haute-Casamance, 2015
- Fiche innovation, Minilaiteries coopératives pour optimiser la collecte et la distribution du lait local, 2015
- Entretien, Reconquête du marché du lait local au Sénégal, 2013