Au Sénégal, produire et consommer autrement
À Ndem, petit village situé à 120 kilomètres à l’est de Dakar dans la région de Diourbel, l’ONG des villageois s’est engagée très tôt dans le commerce équitable. Face à la récente baisse des recettes d’exportation, les villageois cherchent à diversifier et relocaliser leurs sources de revenus, en particulier grâce au maraîchage agroécologique.
Berta Gielge est coordinatrice du projet de structuration de la filière maraîchère. Yangone Mbow est née à Ndem, elle est présidente du collectif Éco-jeunes-solidaires au sein de l'ONG. À 22 ans, elle est responsable du volet « éducation » du projet.
Pourquoi avoir développé des activités de maraîchage agroécologique à Ndem ?
Berta : La mission de l’ONG des villageois de Ndem est de créer les conditions propices à rester dans leur village pour ses habitants. Le maraîchage agroécologique répond à plusieurs enjeux qui se posent dans la zone : créer des perspectives économiques et dynamiser le marché local, encourager des dynamiques sociales d’éducation et de concertation, améliorer l’état nutritionnel, etc.
Cultiver des fruits et légumes ici oblige à une recherche continuelle, car ce ne sont pas des zones traditionnellement maraîchères. Il faut s’adapter au milieu, qui est semi-aride.
En commercialisant des produits de qualité, en les transformant, on augmente la valeur ajoutée et les revenus des habitants. C’est une des innovations proposées par le projet qui a d’ailleurs le mieux pris.
Les actions menées à Ndem ont-elles suscité d’autres initiatives ?
Berta : Une suite directe des expériences de l’ONG Ndem est un nouveau complexe d’enseignement agricole, notamment agroécologique, qui doit voir le jour à Mbacke Kadior, un autre village de la région. Sérigne Babacar Mbow, le président de l’ONG de Ndem, est également à la tête de ce projet. Mbacke Kadior est un site historique, ce qui impose une gestion participative, et les terres mises à dispositions sont très étendues (environ 8 hectares pour le moment, ce qui va permettre la rotation des cultures avec des champs de céréales). Ce projet permet de fédérer les experts en agroécologie et les acteurs engagés pour sa défense de façon plus importante que Ndem.
Yangone : avec les deux séminaires que nous avons organisés, et maintenant avec le projet de Mbacke Kadior, tous les gens au Sénégal qui travaillent sur l’agroécologie peuvent se réunir, partager leurs expériences aussi bien sur la production, la transformation, etc., que sur la sensibilisation. Par exemple, trois universités qui sont dans le réseau sont intéressées pour projeter les films du festival ALIMENTERRE. Des chaînes de télévision nous ont aussi approchés, mais cette démarche n’a pas abouti car elles souhaitaient que nous les payions.
Ce qui est très encourageant, c’est que l’association Éco-jeunes-solidaires attire beaucoup d’autres jeunes. Nous essayons donc d’élargir le mouvement à d’autres villes et villages du Sénégal. C’est déjà le cas à Dakar, à Thiès, où d’autres groupes se sont formés.
Pour conclure, Yangone, en tant que jeune ayant grandi à Ndem, qu’est-ce qui vous a donné envie de vous impliquer autant dans la sensibilisation à d’autres manières de produire et consommer ?
La manière dont j’ai été élevée par mes parents fait que j’ai toujours été sensible à l’éducation des enfants. Le système scolaire sénégalais est dur, personnellement, je n’ai jamais aimé l’école parce qu’il n’y avait que les cahiers et les leçons, pas d’activités, rien pour nous motiver. C’est ce qui m’a convaincue de l’importance de créer des activités qui donnent aux jeunes envie d’apprendre, de comprendre. Quand on a l’amour de la connaissance, on s’intéresse à plus de choses et aux conséquences de ses actes. C’est indispensable si on veut que les futures générations produisent et consomment autrement. [...]
Propos recueillis en août 2016 par Clémence Pinson (CFSI), édités en octobre 2016. Photos © Artisans du monde
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- Vidéo d'Artisans du monde sur le projet de Ndem (11'), 2016
