Changement climatique : de la perception à l'adaptation
Les populations rurales d'Afrique subsaharienne ont une perception aiguë des conséquences des changements climatiques.
Sciences au Sud, le journal de l'IRD, présente le projet de recherche Escape qui explore leurs capacités d'adaptation aux changements environnementaux à l'œuvre.
Photo : Arrosage des cultures au Sénégal © IRD / E.Baudoin
« La majorité des paysans interrogés ont conscience des modifications climatiques dès lors qu’elles impactent leurs activités. C’est le cas pour la reprise des pluies observée au Sénégal depuis les années 1990, souligne le climatologue Benjamin Sultan. Ils ont un train d’avance sur la communauté scientifique pour qui la question a longtemps fait débat ! ».
Cette mise en lumière des perceptions des populations rurales de la variabilité climatique au Niger, au Bénin et au Sénégal constitue un résultat fort du programme Escape. Celui-ci, récemment dévoilé à l’occasion d’un séminaire à Paris, a conduit l’équipe à analyser les stratégies d’adaptation développées par les paysans en réponse aux changements perçus. « Celles-ci s’inscrivent dans un ensemble de transformations socio- économiques pour lequel le climat est un facteur parmi d’autres », ajoute-t-il. Jusqu’ici, les populations rurales ont su s’adapter à la variabilité climatique. Elles sont capables de se remettre d’événements extrêmement graves comme la sécheresse des années 70-80 et de tirer parti de conditions climatiques plus favorables comme actuellement. Les enquêtes menées par l’équipe le démontrent : au Sénégal, avec le retour des précipitations, certains paysans ont changé de variété de mil. « Ils sont revenus à l’espèce cultivée avant le démarrage des grandes sécheresses en 1960, explique le climatologue. C’est exactement ce que nos modèles leur auraient suggéré de faire. Ils nous ont devancés en termes de propositions de solutions. » Cette capacité à trouver des solutions est guidée par la mémoire de la population. Les ruraux du Sénégal se souvenaient qu’en saison humide, cette variété est plus appropriée. Mais la notion d’adaptation est éminemment plus complexe ! Pour la même perception du changement des pluies, l’équipe observe des réponses multiples pouvant répondre ou non à ces changements environnementaux. Ainsi, au Sénégal, certains choisissent de favoriser l’embouche bovine, d’autres décident de cultiver des pastèques, qui bénéficient de ce surplus d’eau. Un choix guidé par l’accès au marché : ces cucurbitacées, destinées à l’exportation, rapportent plus.
« Etudier la capacité des ruraux comme nous l’avons fait durant Escape suffit-il à dire qu’ils sauront faire face au changement climatique à venir ? », s’interroge-t-il. La réponse dépendra de l’intensité, de la rapidité et des variabilités de ce dernier. Compte tenu de ses caractéristiques inédites, avec une hausse de température qui dépasserait 2 °C en 2050 et une tendance à la baisse des précipitations dans l’ouest du Sahel, rien n’assure que la capacité des populations à s’adapter ne sera pas mise en défaut.