Kako Nubukpo, l’urgence africaine
L’économiste togolais, ancien ministre, un temps ostracisé pour ses positions anti-franc CFA, revient sur le devant de la scène. D’une part, une nouvelle monnaie, l’ « eco » devrait circuler dès 2020 dans 15 Etats d’Afrique de l’Ouest. D’autre part, il sort un livre « L’urgence africaine – changeons de modèle de croissance ». En voici les idées fortes.
L’Afrique comme laboratoire des politiques néo-libérales
L’Afrique est la région du monde la plus ouverte au commerce international et cette extraversion est « mortifère », nous dit Kako Nubukpo. L’Occident s’est développé en protégeant son économie, en ayant des politiques d’investissement à moyen et long terme. Or, on demande aux pays africains de respecter un strict équilibre budgétaire, avec une population en forte croissance (elle a doublé en 25 ans) : c’est un non-sens, cela rend impossible la fourniture de services de santé et d’éducation à cette jeunesse. Le développement s’est toujours articulé au crédit et à la protection des marchés. La liberté économique prônée par les institutions financières internationales est celle du loup dans la bergerie.
L’urgence agricole
Les dirigeants africains doivent cesser d’orienter la production, en particulier agricole, vers le reste du monde. Il y a urgence à promouvoir le consommer local, augmenter la productivité agricole, soutenir la structuration des filières, protéger les marchés. Les Africains seront 2 milliards en 2050, le marché est là, il faut que l’Afrique nourrisse l’Afrique, en transformant ses matières premières sur place.
Réorienter le crédit vers l’économie réelle
Le franc CFA, notamment par sa parité fixe avec l’euro, oriente l’épargne des Africains des pays concernés vers des régions du monde réputées plus stables. L’incitation à financer l’économie réelle africaine est faible. En outre, le crédit bancaire continue d’être dirigé vers le négoce, caractéristique d’une « économie de traite ». Les dirigeants africains devraient penser marché intérieur et économie réelle en premier lieu.
L’Afrique du XXIème siècle doit penser par elle-même, produire pour elle-même en premier lieu. Ainsi, il sera possible de capter les bénéfices de l’immense marché intérieur et de les redistribuer vers la jeunesse du continent.
"L'urgence africaine" est paru en 2019 aux éditions Odile Jacob
CFSI, décembre 2019