L'impact des importations européennes de soja
Les importations européennes de soja ont été multipliées par cinq depuis le début des années 70. Le tourteau de soja est un constituant de l'alimentation animale (bovins, porcs, volaille) riche en protéines. Cette croissance s'explique par le développement des activités d'élevage avec un processus d'intensification qui se traduit par l'utilisation de plus d'aliments concentrés au détriment des fourrages frais (prairies) ou séchés (foin, paille), ainsi que par l'insuffisance de la production européenne de protéagineux. Cette insuffisance s'explique largement par la possibilité de s'approvisionner en soja à bas prix sur le marché mondial, du fait de l'absence de droits de douane.
L'accroissement de la dépendance de l'UE vis-à-vis des importations de soja a en grande partie contribué au développement des cultures de soja en Amérique du Sud, même s'ils existent des facteurs internes : demande en agro-carburants et production animale sud-américaine. Impulsée par un petit nombre de multinationales de l'agro-industrie, la monoculture du soja est principalement le fait d'une grande agriculture intensive en capital, même si elle occupe une place importante dans l'économie de l'agriculture familiale de certaines régions.
Le soja joue un rôle moteur dans la déforestation de l'Amazonie et des savanes arborées soit directement, soit indirectement avec le déplacement des populations paysannes qui migrent vers le front pionnier. Sa culture intensive contamine l'environnement, avec y compris parfois une destruction des cultures vivrières voisines, du fait de l'épandage de désherbants et pesticides.
Dans les régions où pré-existait une agriculture familiale consolidée, celle-ci a profité du boom du soja d'un point de vue économique. L'intégration de cette paysannerie au modèle soja signifie cependant une forte dépendance vis-à-vis de l'agro-industrie et du modèle exportateur, et une exposition à des risques sanitaires.
En dehors de ces régions, l'expansion du modèle soja s'accompagne parfois d'un accaparement de terres et d'expulsions des communautés paysannes. Les inégalités foncières se creusent, les emplois diminuent, la pauvreté et l'exode rural se développent. Bien souvent les populations locales d'organisent pour résister et les affrontements avec les milices privées ou la répression policière sont fréquents.
Dans les divers pays latino-américains, les organisations paysannes et la société civile se mobilisent contre le "modèle soja". Elles défendent un modèle d’agriculture familiale respectueuse de l’environnement et tournée prioritairement vers la satisfaction des besoins alimentaires de la population. Elles demandent des réformes agraires et des politiques de soutien à l’agriculture paysanne.
L'UE pourrait contribuer à lutter contre le "modèle soja" en Amérique latine en diminuant ses importations, même si les principaux moteurs de croissance sont désormais l'expansion de la demande asiatique et les usages internes à l'Amérique latine. La recherche d'une plus grande indépendance protéique s'inscrit plus globalement dans le choix de promouvoir une agriculture plus autonome en intrants, et donc moins consommatrice de carbone fossile et contribuant à l'atténuation du changement climatique. Cet objectif environnemental est en réalité lié à un enjeu global qui répond aussi à l'intérêt global des agricultures familiales de nombreuses régions du monde, en zones tropicales notamment, qui seront les premières touchées par ce réchauffement.