Le baromètre 2021 des agricultures familiales : Sciences et connaissances alimentaires
Ce rapport de SOS Faim, Iles de Paix, Autre Terre et du Forum Rural Mondial s'interroge sur la possibilité de créer des savoirs scientifiques partagés à destination de l'agriculture familiale.
La recherche agroalimentaire au service de l’agro-industrie
Les recherches agroalimentaires sont très largement orientées vers l’agriculture industrielle et se retrouve facilement aux mains d'organisations multilatérales (Banque Mondiale ou FAO), du secteur privé (représente 25% de toutes les dépenses pour la recherche et est monopolisé par Bayer, Corteva et Chemchina) et de fondations philanthropiques (85% des investissements actuels dans la recherche agricole de la Fondation Bill et Melinda Gates vont vers l’agriculture industrielle). Tout l’enjeu de ce baromètre est de savoir si la fabrication des savoirs et de la science peut se faire au service de l’agriculture familiale et de l’agroécologie.
Industriels gagnants, citoyens perdants
Changer ces modèles de dominations semble impossible, notamment depuis le développement des partenariats publics-privés. La recherche publique se retrouve orientée vers des sujets qui concernent les entreprises privées. Par exemple, les fabricants de néonicotinoïdes ont tout intérêt à investir dans des études scientifiques tenant pour unique responsable du déclin des abeilles le varroa (parasite venant d'Asie et s'attaquant aux abeilles domestiques européennes), mettant leurs produits hors de cause. Corrélé à cela, la précarité du statut de chercheurs les pousse à trouver leurs financements et à conclure des contrats avec ces firmes privées. La science devient propagande industrielle, où les entreprises font passer leur solution pour une vérité scientifique et gagent sur l’influence que cela aura sur l’opinion publique. Le processus se résume ainsi :
- Pour commencer, un problème sanitaire/environnemental se déclare avec une cause principale claire et contraire aux intérêts des industriel.
- Connaissant des enjeux et de la source du problème, le citoyen/décideur souhaite agir.
- Pour ne pas être tenus responsables de cette crise, les industriels vont chercher à influencer l’opinion publique par le financement de chercheurs et d’études (sans forcément apparaître dans la liste des auteurs!).
- Ainsi, le citoyen/décideur se retrouve perdu et se met à douter de sa capacité à agir. Il jugera que « more research is needed », induisant qu’il n’y a pas assez de connaissances scientifiques pour pouvoir prendre parti.
Ceci fait perdre du temps pour établir la « vérité » et donc retarde la création de réglementation ou d’une interdiction pouvant empêcher ou régler le problème en cours.
Créer une science pour et par les agriculteurs familiaux
Cet article lance un appel à la construction d’une science au service de l’agriculture familiale et des défis planétaires du 21ème siècle, dans laquelle les agriculteurs ne seraient pas mis de côté. Les principaux éléments de cette science sont abordés dans ce rapport et porteraient sur :
- la promotion d’une recherche participative, où les agriculteurs ne sont pas juste receveur de savoirs construits sans eux, mais dans laquelle ils sont impliqués et qui réponde à leurs besoins ;
- l’affranchissement du secteur privé pour mettre la recherche au service du bien commun et répondre à des enjeux d’utilité publique ;
- des partenariats de recherche Nord-Sud plus égalitaires et davantage d’alliances Sud-Sud ;
- des règles de financements plus flexibles, notamment pour contribuer à des programmes de recherches à long terme ;
- la création de nouvelles dynamiques inter et transdisciplinaires.
Rendre accessible une recherche scientifique juste, ouverte et participative peut donner au citoyen/décideur la possibilité de mener sa propre réflexion sur le modèle agricole et alimentaire actuelle et lui donner toutes les clés pour comprendre les grands défis agroalimentaires futurs.
Voir le rapport complet en français (31 pages)