Manger autrement et le Programme national nutrition santé - Web conférence de Solagro

Étude/Synthèse/Article
Langue(s) : Français
Thématiques : Impact des choix de consommation

En adaptant notre alimentation, il est possible de réduire de 50 % son impact sur l’environnement et contribuer à la prévention de maladies chroniques. Emmanuelle Kesse-Guyot, Denis Lairon et Philippe Pointereau présentent  les enseignements de l’étude BioNutriNet-Santé et la comparaison entre les recommandations nutritionnelles des deux derniers Programmes nationaux nutrition santé. Ces résultats ont été publiés dans des revues scientifiques réputées dont Nature Sustainability.

L’étude BioNutriNet Santé a été menée par un consortium pluridisciplinaire de chercheurs de l’Inra, de l’Inserm, de l’Itab et de Solagro. Jusqu’alors, les études nutritionnelles portaient principalement sur la comparaison entre les régimes carnés et les régimes végétariens. Avec BioNutriNet Santé, le regard s’est également porté du côté des régimes « bio » et de ses impacts sur la santé et sur l’environnement.

Les intervenants :

Emmanuelle Kesse-Guyot - Directrice de recherche à l’Inrae, coordinatrice de l’enquête BioNutriNet

Denis Lairon - Directeur de Recherche émérite à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), expert en nutrition humaine

Philippe Pointereau – Directeur adjoint de Solagro et spécialiste des questions agroalimentaires et environnementales

  • Résultats BioNutriNet - comparaison entre régimes alimentaires « bio » et « conventionnel »

L’étude BioNutriNet repose sur l’analyse comparative de deux types de régimes alimentaires, « bio » et « conventionnel », afin d’étudier leurs impacts sur la santé et sur l’environnement. A partir des données recueillies auprès d’échantillons constitués entre 50 et 70 000 individus, sur quatre grands volets d’analyse (nutrition, déterminants socioéconomiques et psychologiques, environnement et biologie), les résultats relèvent plusieurs tendances.

D’abord, le régime des consommateurs « bio » est essentiellement végétal. Les fruits à coque et légumes sont surconsommés par les consommateurs « bio », à l’inverse des produits laitiers et carnés. Il en a été conclu que plus les consommateurs mangent « bio », plus le score de qualité nutritionnelle augmente.

Cette étude a en outre mis en avant le fait que ce régime alimentaire « bio » est bénéfique pour la santé des consommateurs. Par exemple, la consommation de produits « bio » réduit les risques de surpoids et de d’obésité : - 48 % de risque d’obésité pour les femmes, - 62 % pour les hommes. Un travail sur le syndrome métabolique (état pathologique conduisant généralement au diabète de type 2 ou à des maladies cardio-vasculaires) a montré qu’une alimentation en « bio » permet de diminuer les risques de voir ces pathologies se développer. BioNutriNet en a conclu de même en ce qui concerne les cancers : - 25  % de risques, tous cancers confondus. Enfin, les consommateurs « conventionnels » français sont beaucoup plus exposés à la contamination par les pesticides que les consommateurs mangeant bio.

A l’inverse de celui « conventionnel », le régime alimentaire « bio » a un impact bénéfique incontestable sur l’environnement. L’indicateur d’empreinte surface des régimes alimentaires l’illustre clairement : alors que pour nourrir un consommateur « conventionnel » adulte par an, plus de 4 500 m² de terres sont nécessaires, moins de 3 500 m² sont requis pour un consommateur « bio ». Ceci s’explique par le fait que le consommateur « bio » modifie son régime alimentaire en réduisant sa consommation de viande et de produits laitiers, et en augmentant celles de végétaux. Or la production de ces derniers nécessite des surfaces beaucoup plus réduites, par rapport aux produits carnés ou laitiers. En outre, BioNutriNet a évalué une réduction de 25 % de consommation d’énergie au niveau de la ferme, pour la production des aliments d’un consommateur en « bio ». La différence est encore plus marquée au niveau des émissions de gaz à effets de serre : elle est de plus de 1 800 eqCO2/an pour un consommateur « conventionnel », alors qu’elle n’atteint pas 1 200 eqCO2/an pour un consommateur « bio », soit une réduction de 37 %.

Finalement, la consommation d’aliments « bio » a un impact incontestablement positif sur la santé des consommateurs, ainsi que sur l’environnement. Ceci est avant tout dû à la modification du régime alimentaire des consommateurs « bio ». Il s’agit maintenant de voir si ce régime alimentaire « bio » est aligné avec les recommandations nutritionnelles inscrites dans le Programme national nutrition santé français.

  • Etude comparée des Programmes nationaux nutrition santé (PNNS 1 et PNNS 4)

Les chercheurs et chercheuses de l'Eren, de l'Inrae, de l'Inserm, du Cnam ont publié en 2020 une étude comparative de deux Programmes nationaux nutrition santé (PNNS). Les résultats se fondent sur un échantillon d'adultes volontaires sur une période de 10 ans. Le premier PNNS date de 2001. Il fait suite à un rapport publié à la fin des années 1990. A ce jour, quatre PNNS ont vu le jour. Le PNNS 4 a débuté en 2019 et prendra fin en 2023.

L'objectif de l'étude est ainsi d'estimer le potentiel durable de ces nouvelles mises à jour et de les comparer à celles de 2001. En 2017, les nouvelles recommandations nutritionnelles ont intégré la durabilité avec les critères de « protection de l'environnement » et « exposition aux pesticides ». Pour évaluer la durabilité, l’étude prend donc en compte plusieurs critères: la  nutrition, l’environnement (% bio dans l'alimentation, gaz à effet de serre, occupations des terres et demande en énergie) et l’économique (calcul du coût en considérant l'exposition aux pesticides).

En 2001, parmi les recommandations de consommation (3 produits laitiers par jour, 5 fruits et légumes par jour, etc), les produits d'origine animale y tenaient une place importante (1 à 2 fois par jour). Parmi les principales nouveautés apportées, les recommandations de 2017 sont plus nombreuses que celles de 2001. Elles sont également plus végétales en incitant les consommateurs à augmenter leur consommation de produits végétaux et à réduire celle de viande. La viande rouge est déconseillée et la viande n’est plus mentionnée dans les recommandations. 

Pour conclure, l’étude démontre les performances durables des recommandations de 2017 comparées à celles de 2001. L'apport énergétique et l’impact environnemental sont notamment plus faibles. Toutefois, le prix reste élevé pour les consommateurs et les consommatrices bien que les coûts soient plus faibles que ceux des recommandations de 2001.

  • Les nouveaux objectifs d’alimentation durable

En 2010 la FAO définit l’alimentation durable. Ce concept devient un nouvel objectif et une référence internationale, car aller vers des systèmes alimentaires durables est devenu une nécessité incontournable. En 2015, l’Onu lance un programme de dix ans, avec plusieurs projets en ce sens, dont un sur l’alimentation bio : Organic Food System Program. Les études scientifiques sur la santé des consommateurs ont montré que les consommateurs de bio sont plus conformes au concept d’alimentation durable de la FAO. D’un point de vue environnemental, le consensus scientifique ne fait pas de doute sur la nécessité de changement, car poursuivre la tendance actuelle (en matière d’alimentation) ne permet pas d’atteindre les objectifs de développement durable fixés par l’Onu. Les systèmes de production alimentaire doivent évoluer pour protéger les terres cultivables et le climat, promouvoir des méthodes agro-écologiques. Et des alimentations durables à prédominance végétale, meilleures pour la santé et l’environnement, permettent de réduire l’utilisation des ressources et le réchauffement climatique.

Le scénario prospectif Afterres2050 réalisé par Solagro propose des évolutions possibles et durables de notre système alimentaire. Ce travail systémique sur l’agriculture et l’alimentation prend aussi en compte les évolutions liées à l’énergie, en s’appuyant sur le scénario Negawatt. La prospective Afterres2050 va plus loin que la feuille de route gouvernementale et s’applique à tous les secteurs. Il propose par exemple de réduire de 75 % d’ici 2050 les émissions de GES par rapport à 1990, de réduire de 50 % en 2025 l’usage des pesticides par rapport à 2008, ou de passer à 15 % de bio en 2022.

Pour aller plus loin :