Au Sénégal : création de chaînes de valeur à partir du mil et du maïs
Sénégal, le pain est devenu la base du petit déjeuner, et parfois même du dîner. Ce pain est majoritairement fait à partir de farine de blé. Or, cette céréale n’est pas produite dans le pays. Elle est importée au détriment de céréales locales qui pourraient, pourtant, entrer dans la composition du pain. Des initiatives comme celle actuellement mise en œuvre par Sol promeuvent l’utilisation de farines à base de céréales locales. Rencontre avec Yuna Salmon, chargée de projets Afrique chez Sol.
Quelle est la position du gouvernement vis-à-vis des produits locaux ?
Son discours est de plus en plus tourné vers la souveraineté alimentaire, le développement des filières locales, la valorisation des ressources locales. Ceci s’est accentué avec la crise de la Covid-19. À titre d’exemple, le Plan d’action prioritaire ajusté et accéléré (PAP2A) de 2019 entend promouvoir des chaînes de valeur céréalières (riz, maïs, mil, sorgho) et maraîchères au Sénégal.
Néanmoins, en pratique, les actions du gouvernement sont majoritairement axées sur le riz. Le pays qui importe une part importante de sa consommation d’Asie, ambitionne d’atteindre l’autosuffisance. Or, le modèle de production choisi est très intensif en intrants chimiques et donc peu durable, tandis que les surfaces potentiellement adaptées à la riziculture sont très limitées. Très peu de mesures concrètes sont prises pour favoriser le développement des autres céréales locales. Les importations de blé restent faiblement taxées, alors même que la production de blé est subventionnée par les pays exportateurs, notamment l’Europe. Ceci explique le prix relativement bas de la farine de blé au Sénégal. Le prix de la farine de blé est un enjeu important pour le gouvernement puisque la baguette de pain est devenue depuis quelques décennies un produit de base pour la population sénégalaise. Une augmentation de prix pourrait poser problème, en l’absence d’alternative solide encouragée à l’échelle nationale. Pour éviter toute situation de crise en lien avec les variations du cours du blé, l’État joue le rôle de médiateur entre les fournisseurs de blé étrangers et la Fédération nationale des boulangers du Sénégal (FNBS). Lorsque l’appui de l’État ne suffit pas à empêcher l’augmentation du prix du blé, les boulangeries industrielles réduisent la quantité de farine utilisée, et donc le poids de la baguette afin d’éviter toute hausse de prix du produit fini. Cette pratique, tolérée par l’État, dégrade encore davantage la valeur nutritive du pain, et ne passe pas inaperçue aux yeux des consommateurs, de plus en plus nombreux à critiquer la faible consistance du pain industriel.
L’État est ainsi bien plus actif dans le soutien à la filière blé que dans celui des filières céréales locales. L’un des objectifs de notre projet est d’encourager l’État à prendre des mesures pour concrétiser ses engagements en faveur de la souveraineté alimentaire en facilitant le développement des filières céréales locales.
Quelle est la législation qui régit la fabrication du pain ?
Un décret de 1979 rendait obligatoire l’incorporation de farines de céréales locales dans la fabrication du pain à hauteur d’au moins 20 %. Malheureusement, ce texte, qui ne prévoyait aucune contrainte pour garantir son application, est tombé dans l’oubli.
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Pour creuser le sujet :
- Parcours numérique, La souveraineté alimentaire en Afrique de l’Ouest, 2021
- Aubin Waibena, Des céréales locales dans le pain des Togolais, 2021
- Film documentaire, Semer, récolter, résister, 2019
- Fongs, Sol, Livres de recettes : des céréales locales dans notre alimentation, 2017