Précarité alimentaire chez les étudiants
Début 2022, les associations Let’s Food et le Réseau Etudiant pour une Société Ecologique et Solidaire (RESES) ont réalisé une enquête sur la précarité alimentaire étudiante intitulée « En 2022, en France les étudiants ont encore faim ». Pour mieux comprendre les facteurs de risques ou au contraire de résilience, des données ont été collectées auprès de 27 associations, 2 CROUS, 2 Universités et une collectivité locale. Forts de ces résultats, les deux associations proposent une série de solutions pour lutter efficacement contre la précarité alimentaire.
Les étudiants : une population à risque face à la précarité alimentaire
Selon cette enquête, en définissant la précarité alimentaire comme : « une situation dans laquelle une personne ne dispose pas d’un accès garanti à une alimentation suffisante et de qualité, durable, dans le respect de ses préférences alimentaires et de ses besoins nutritionnels, pouvant entraîner ou découler de l’exclusion et de la disqualification sociale ou d’un environnement appauvri. » (Le Labo ESS, 2020), les étudiants seraient particulièrement touchés. En effet, 34 % d’entre eux estiment avoir une alimentation déséquilibrée et ils sont une large majorité à déclarer « grignoter » des produits gras ou sucrés et à consommer trop de boissons sucrées. De nombreux étudiants sont donc sujets au surpoids, ainsi qu’aux situations d’obésités ou de maigreur. En outre, cela impacte leur réussite puisqu’ils sont, par exemple, deux fois plus nombreux à échouer en Licence que leurs camarades en bonne santé alimentaire.
Pourtant, les étudiants sont nombreux à désirer avoir accès à des denrées durables et de bonnes qualités. Cette situation est donc largement due à des ressources financières trop faibles et fluctuantes, ce à quoi s’ajoutent l’éloignement géographique des lieux d’accès aux produits de qualité (campus excentrés) et la difficulté à se doter convenablement en équipement et ustensiles de cuisine faute de moyen et de place.
Une population fragilisée qui subit de plein fouet les conséquences de la crise Covid19
D’après l’enquête : « Pour 72% des étudiants la nourriture est le premier poste de dépenses après le loyer et 34% des étudiants ont un budget mensuel défini pour la nourriture » alors que ce budget ne s’élève qu’à 170€/mois en moyenne. Pour nombre d’entre eux, une partie importante des revenus était issue d’un job étudiant, que les confinements ont forcément impacté, ainsi : « parmi eux, 24% ont subi une baisse de salaire, 19% une mise à pied temporaire et 40% une suppression de poste ». A cela s’ajoute l’inflation qu’ont subi certains produits alimentaires de première nécessité comme : les pâtes (+11,4%), les légumes secs (+3,4%) ou le riz (+2,4%), aliments fréquemment consommés par les étudiants.
Des solutions parfois innovantes mais insuffisantes et fragiles
Bien qu’indispensable et précieuse, l’aide des acteurs historiques de la distribution alimentaire (Restos du Cœur, Banque alimentaire, Secours populaire, Croix Rouge etc.) semble difficilement considérable comme durable puisque ne favorisant pas une alimentation saine, en plus d’être fondée sur le gaspillage en amont de la distribution et sur un modèle agricole productiviste. Or, la question de la surproduction demeure très ambivalente puisque l’Etat encourage la lutte contre le gaspillage tout en continuant de subventionner la distribution de denrée aux associations d’aide. Cette question fait l’objet d’un traitement plus abouti dans le documentaire « La part des autres : l’accès de tous à une alimentation de qualité et durable » sélectionné pour l’édition 2022 du festival ALIMENTERRE.
De plus en plus d’initiatives, provenant souvent des étudiants eux-mêmes font le choix de circuits courts et de produits issus de filières durables (producteurs locaux, maraîchers, jardins de cocagnes...). Ces dispositifs ont des statuts adaptables et reposent sur un tissu de nombreux acteurs, favorisant ainsi les initiatives tout en en assurant la continuité. Cependant, celles-ci reposent avant tout sur l’engagement bénévole et sont dépendantes des subventions.
Comment lutter efficacement contre la précarité étudiante ?
Let’s Food et le RESES proposent une série de solutions à destination de l’Etat français mais aussi des institutions européennes, les restaurants universitaires et Crous ou encore les collectivités territoriales. Celles-ci reposent avant tout sur deux piliers : assurer le droit à l’alimentation en permettant aux étudiants les moins aisés d’avoir accès à des denrées de qualité et développer les dispositifs décentralisés en favorisant le développement des campus et des restaurants universitaires (respect de la loi Egalim), la coopération territoriale et multi-acteurs, ainsi qu’en soutenant les associations étudiantes qui font preuve d’initiative.