Les tomates marocaines face à l'urgence environnemenale
Les tomates marocaines inondent les supermarchés européens, notamment en France, où elles sont en moyenne 24% moins chères que les tomates locales, selon FranceAgriMer. Cependant, le reportage vidéo partagé par Le Monde Afrique dévoile les conditions de production de ces tomates, révélant un système reposant sur une main-d’œuvre sous-payée dans la région du Souss-Massa, au sud d’Agadir. Entre 2019 et 2023, les exportations de tomates marocaines vers l'Union européenne ont augmenté de 25%, faisant du Maroc le deuxième fournisseur de tomates du bloc européen, juste derrière les Pays-Bas. En 2023, près de 500 000 tonnes de tomates, principalement des tomates cerises, ont été importées en Europe. Cette croissance rapide a suscité des réactions négatives de la part des agriculteurs européens, qui accusent les importations marocaines de concurrence déloyale. Début 2024, des agriculteurs en France et en Espagne ont même déversé des tonnes de tomates marocaines sur les parkings de supermarchés pour protester contre cette situation.
Dans un premier reportage, on nous dévoile les conditions de travail dans les serres d'Agadir. Ces serres couvrent près de 4 000 hectares, où sont produites ces tomates. Les travailleurs, souvent sous-payés et travaillant dans des conditions difficiles, sont les petites mains invisibles derrière ce business florissant. Ces conditions de travail soulèvent des questions éthiques sur les pratiques agricoles et les inégalités économiques au sein de la chaîne de production.
Dans un second reportage, la consommation d'eau démesurée et une crise hydrique sans précédent nous sont expliquées. La production intensive de tomates dans cette région n'est pas seulement une question de main-d’œuvre bon marché. Elle est également liée à une consommation d'eau extrêmement élevée. Selon le Water Footprint Network, il faut environ 214 litres d’eau pour produire un kilo de tomates. Cette réalité souligne l'immense quantité d'eau utilisée par les serres d'Agadir, une eau que la région di Souss n’a pas. Depuis 2015, cette région souffre d'une sécheresse chronique, avec des précipitations annuelles tombant à moins de 100 millimètres en 2023. Cette situation critique a entraîné une baisse drastique du niveau de remplissage du barrage de Youssef ben Tachfin, essentiel à l'irrigation des 20 000 hectares de serres. En mai 2024, ce barrage n’affichait qu’un taux de remplissage de 12%, mettant en péril la capacité de la région à maintenir ses niveaux de production. Alors que les grands producteurs parviennent encore à accéder à l'eau, les petits producteurs se voient contraints de louer leurs terres.
On assiste à un paradoxe de l'exportation d'eau. Le phénomène d'exportation d'eau via les tomates est devenu un point de préoccupation. En continuant à exporter des tomates vers l'Europe, le Maroc exporte une ressource dont il a cruellement besoin. Ce paradoxe soulève des questions éthiques et stratégiques sur la gestion des ressources naturelles et les priorités de production. La transparence des agro-industriels sur leurs pratiques reste également une préoccupation.
Pour comprendre comment résoudre cette équation difficile, "Le Monde Afrique" s’est rendu sur place pour un reportage vidéo. Ce reportage explore les défis et les stratégies envisagées pour améliorer l'efficacité de l'irrigation et rechercher des variétés de tomates moins consommatrices en eau. La situation dans le Souss est emblématique des enjeux agricoles mondiaux à l'ère du changement climatique, mettant en lumière l'urgence de trouver un équilibre entre les besoins locaux en eau et les exigences du marché international.
Le cas des tomates marocaines révèle une vérité incontournable : la gestion durable de l'eau est cruciale pour l'avenir de l'agriculture. Alors que les effets du changement climatique s'intensifient, les pays exportateurs et importateurs doivent repenser leurs stratégies pour assurer la sécurité alimentaire sans compromettre les ressources naturelles.
Vous pouvez voir les deux reportages sur le site Le Monde Afrique et ici :
Quand le Maroc exporte l’eau qu’il n’a plus.
CFSI, ce 24/06/2024