Les intervenants internationaux du Festival : Abdou Karim Sall, Marie-Paule Okri et Mamadou Diop
Le 13 novembre 2024, l’équipe du CFSI a accueilli ses intervenants d'Afrique de l'Ouest avant leur participation aux projections-débats du festival ALIMENTERRE, partout en France pendant une dizaine de jours. Nous avons donc profité de l’occasion pour leur poser quelques questions.
ABDOU KARIM SALL
Présentez-vous-en quelques mots, qui êtes-vous et votre parcours
Je m’appelle Abdou Karim Sall. Je suis pêcheur, et président d’une plateforme des pêcheurs artisanaux du Sénégal, et aussi président des Aires Marines Protégées du Sénégal.
Qu’est-ce qui a fait écho pour vous dans le festival ALIMENTERRE et quelles sont vos motivations pour y participer ?
On a beaucoup entendu parler de ce festival, sur internet et par des amis. La motivation était de toucher un maximum de personnes avec ce film, Razzia sur l’Atlantique, qui parle de sécurité alimentaire. Pour nous, au Sénégal, le poisson joue un rôle très important dans la sécurité alimentaire et en apport de protéines, avec une consommation par personne de 29kg de poisson par an.
C’est quoi pour vous, une alimentation durable et solidaire ?
Pour moi une alimentation saine et durable est une alimentation agroécologique, où le poisson a été pêché là où il doit être pêché. Elle doit permettre à nos petits-enfants de dépendre de ces ressources, comme l’ont fait nos grands-parents et arrières grands-parents qui nous ont légué ce patrimoine, que nous devons nous aussi transmettre à nos enfants. On n’a pas le droit de saccager tout et de transformer nos eaux en déserts liquides, ni de conduire nos enfants à une situation d’insécurité alimentaire parce qu’on n’aurait pas géré durablement nos ressources. Pour moi une alimentation saine c’est d’abord du poisson qui est vraiment pêché là où il doit être pêché et la durabilité surtout par rapport aux codes et aux règlements qui sont établis dans nos pays.
Quelles sont vos attentes vis-à-vis de votre tournée du festival ALIMENTERRE 2024 ?
Mes attentes sont de faire le tour des sites cibles pour mieux sensibiliser et faire comprendre que ce qui se passe à l’autre bout du monde a un impact ici. C’est les Européens et les Asiatiques qui viennent piller les ressources de ces Africains qui sont dépendants de l’aide alimentaire. Je souhaite donc sensibiliser les populations mais aussi les politiques, pour cesser le pillage qui porte atteinte à la sécurité alimentaire des populations en Afrique.
Avez-vous un message à faire passer aux participants du festival de cette année ?
Le message serait de propager les informations. Pendant le festival, on ne peut pas toucher tout le monde, mais les personnes qui participeront seront des relais pour les autres : elles pourront expliquer ce qu’elles ont vu, ce qu’elles ont entendu. Pour moi le festival est une occasion de discuter avec une partie de la population qui pourra parler de ce qui se passe, notamment en Afrique de l’Ouest, sur les questions de sécurité alimentaire.
MARIE-PAULE OKRI
Présentez-vous-en quelques mots, qui êtes-vous et votre parcours
Je suis Marie-Paule Okri. Je suis agronome de formation, spécialisée en agrochimie et protection des végétaux. Je suis aussi membre de la Ligue ivoirienne des Droits des Femmes : à la Ligue on travaille à accompagner les femmes du milieu rural dans la mise en place de coopératives agricoles et la lutte pour la souveraineté alimentaire.
Qu’est-ce qui a fait écho pour vous dans le festival ALIMENTERRE et quelles sont vos motivations pour y participer ?
Mes motivations sont multiples. En Côte d’Ivoire, notre économie est axée sur l’agriculture, mais cette agriculture-là est portée sur les cultures d’exportations, telles que le cacao dont nous sommes le premier producteur mondial, mais aussi le café ou l’hévéa. Pourtant ces (mono)cultures ne rentrent pas dans la cuture alimentaire des populations. Nous devons importer notre alimentation de base, par exemple le riz. Le festival ALIMENTERRE colle avec tout le travail de sensibilisation que je fais dans mon pays, comme la promotion des cultures vivrières. C’est une aubaine pour moi de participer à ce festival pour avoir plus d’outils de sensibilisation pour une agriculture saine et durable, et des occasions d’apprendre auprès des paysans, des étudiants que je rencontrerai.
Quelles sont vos attentes de votre tournée du festival ALIMENTERRE 2024 ?
Je me vois appendre beaucoup. Ce sera un partage d’expérience, un partage de cultures. Ce sera un voyage à travers la France pour découvrir les luttes des paysans ici, apprendre davantage et partager.
Avez-vous un message à faire passer aux participants du festival de cette année ?
Soyez très attentifs car ce qui se passe n’est pas habituel, c’est un événement inédit, qui prend en compte nos aspirations politiques, car l’alimentation c’est politique. Soyez attentifs pour apprendre et partager.
MAMADOU DIOP
Présentez-vous-en quelques mots, qui êtes-vous et votre parcours
Je m’appelle Mamadou Diop. Je viens du Sénégal, plus exactement d’un village qu’on appelle Mbadhiou Peulh. Je suis fils de paysanne, qui travaille dans la filière laitière. J’ai fait une formation en gestion des entreprises suite à laquelle j’étais appelé normalement à devenir trader. Mais avec l’influence de mes parents j’ai aussi fait une formation en agronomie. Actuellement je suis le coordinateur du festival ALIMENTERRE au Sénégal et j’accompagne les jeunes sur les questions liées à l’agroécologie au Conseil National de Coopération et de Concertation des Ruraux (CNCR).
Qu’est-ce qui a fait écho pour vous dans le festival ALIMENTERRE et quelles sont vos motivations pour y participer ?
Déjà en premier c’est le nom : pourquoi ce choix d’écrire « alimentaire » avec « TERRE » ? Au Sénégal, nous faisons réfléchir les personnes sur ce nom-là, ce qui montre que les acteurs se familiarisent avec le festival, intègrent les questions alimentaires et les enjeux au niveau des différentes localités. Aujourd’hui, ce qui me motive à venir y participer en France, c’est de voir les rapports qui existent entre les deux endroits : quand on dit « système alimentaire » au Sénégal à quoi on pense ? et quand on dit « système alimentaire » en France à quoi vous pensez ? Les impacts négatifs des exportations en Afrique de l’Ouest, ont-ils aussi des résonnances en France ? Par exemple l’exportation de produits laitiers : qu’est-ce que les éleveurs français pensent de tout cela ? Sont-ils au courant des conséquences dans les pays du Sud? Mes motivations sont aussi d’apprendre de vos expériences en agroécologie, et en évolution des exploitations agricoles.
C’est quoi pour vous, une alimentation saine et durable ?
C’est d’abord une agriculture qui respecte l’environnement, qui produit sans « frustrer la Terre », sans changer la biodiversité mais qui permet aussi à celui qui la cultive de vivre dignement de sa Terre, de faire vivre sa société et sa communauté.
Avez-vous un message à faire passer aux participants du festival de cette année ?
Je veux dire à toutes ces personnes qui suivent le festival ALIMENTERRE que nous sommes dans un système mondial, et que des impacts qu’on pense parfois au niveau local sont aussi des impacts internationaux. Le combat que l’on doit mener est un combat commun au niveau international. Si un industriel en France, fait sa production laitière et des transformations qui vont engendrer une exportation de lait en poudre au Sénégal et sur d’autres marchés africains : cela impacte notre économie, notre santé, notre agriculture, notre sécurité alimentaire. Les batailles pour une alimentation saine et durable, nous devons les mener ensemble. Comme dit le proverbe : « Seul on va plus vite mais ensemble on va plus loin ».