Systèmes participatifs de garantie : peuvent-ils surmonter les défis de la certification conventionnelle dans le secteur agroalimentaire ?
Dans le monde, moins de 20 % des petits producteurs agricoles ont accès à ces certifications en raison de coûts élevés et d’un niveau de complexité administrative prohibitif. Face à ces contraintes, les Systèmes Participatifs de Garantie (SPG) émergent comme une alternative plus inclusive. Déjà adoptés dans plus de 80 pays, ces systèmes offrent une approche collective et transparente qui réduit les coûts et s’adapte mieux aux réalités des petits producteurs. Mais peuvent-ils réellement rivaliser avec les certifications conventionnelles et s’imposer sur les marchés nationaux et internationaux ? Les 3 ONG belges Autre Terre, Humundi et Iles de Paix publient les résultats d'une recherche sur cette question dans la collection Phosphore.
La certification externe, bien qu’elle se présente comme un modèle fiable, exclut de nombreux petits acteurs du secteur agroalimentaire, renforçant les inégalités et favorise la standardisation au détriment de l’innovation locale et durable.
En plus des barrières financières, ces certifications imposent une standardisation des pratiques agricoles qui ne prend pas en compte les spécificités locales. Par exemple, au Pérou, des petits producteurs bio ont dû abandonner des méthodes traditionnelles pourtant durables, car elles ne correspondaient pas aux normes imposées par les labels export.
Des systèmes inclusifs pour les paysans
Les Systèmes Participatifs de Garantie (SPG) trouvent leur origine dans les années 1970-1980 au sein des réseaux d’agriculture biologique. Ils sont nés en réaction à la formalisation et à l’exclusivité des systèmes de certification tierce partie, jugés inaccessibles pour les petits producteurs. En effet, contrairement aux certifications externes, les SPG reposent sur la confiance mutuelle, la transparence et des évaluations effectuées par les membres d’un groupe. Le groupe est constitué de producteurs, de consommateurs, d’ONG et de techniciens. Les membres élaborent ensemble un référentiel ou une charte qui fixe les règles à suivre. Ces règles sont adaptées aux réalités locales et aux besoins des producteurs. Les décisions se prennent de manière collective et démocratique, souvent lors de réunions régulières. En valorisant les dynamiques locales et les réseaux communautaires, les SPG s’affirment comme des systèmes de garantie plus flexibles, abordables et adaptés à une agriculture durable et solidaire.
80 pays concernés
Au Brésil, plus de 70 000 producteurs sont aujourd’hui certifiés via des SPG, permettant une réduction des coûts de certification de 66 % par rapport aux standards conventionnels.
Au Pérou, les SPG ont permis aux producteurs de café et de cacao de négocier directement avec des acheteurs locaux et internationaux, réduisant ainsi leur dépendance aux multinationales.
En Afrique de l’Ouest, ces initiatives se développent progressivement. Au Burkina Faso, un réseau SPG mis en place en 2018 regroupe aujourd’hui plus de 1 200 producteurs, entraînant une augmentation de 25 % des ventes locales de produits agroécologiques.
Les pays du Nord sont aussi concernés. En Belgique par exemple, l’association Nature & Progrès a mis en place un SPG permettant aux petits producteurs bio de bénéficier d’une reconnaissance locale sans passer par les certifications officielles.
Des défis à surmonter pour un passage à l'échelle
Malgré leurs avantages, les SPG font face à plusieurs défis. Leur reconnaissance officielle reste limitée dans de nombreux pays. Seuls l’Inde, le Brésil et quelques États mexicains ont intégré ces systèmes dans leurs cadres légaux. En Afrique et en Europe, leur légitimité dépend encore largement de la confiance des consommateurs et des circuits de distribution alternatifs.
La forme de confiance sur laquelle le fonctionnement des SPG repose a d'importantes implications sur ces capacités de monter à l'échelle. Bien que la proximité géographique ne soit ni nécessaire ni suffisante à elle seule pour l'existence de cette confiance, elle est propice à sa formation et à sa consolidation. Les SPG apparaissent donc structurellement plus adaptés à la commercialisation directe et aux circuits courts. La relocalisation des systèmes agroalimentaires et un soutien accru par les pouvoirs publics s'imposent ainsi comme facteurs fondamentaux pour leur diffusion.
L'approche souple de l'agroécologie comme cadre unificateur ?
L'agroécologie a le potentiel pour servir de cadre normatif unificateur à toutes les initiatives engagées pour la transition des systèmes alimentaires. Parmi toutes les approches, l'agroécologie se distingue par sa nature non dogmatique. Elle est fondée sur des principes destinés à être traduits dans des solutions locales tout en jouissant d'une forte reconnaissance internationale.
Creuser le sujet :
Entretien, Bioprotect, Martine Sawadogo, "Aujourd'hui les gens changent leur vision sur le bio", 2023
Entretien, CnaBio, Souleymane Yougbare, Vers une mise à l'échelle de la bio au Burkina Faso ?, 2024