Revalorisation du métier d'agriculteur
Julien Komi Lokokpe est l’animateur du réseau des quatre Maisons familiales rurales du Togo (MFRT). Le secteur agricole togolais est peu professionnalisé. Les mauvaises pratiques agricoles dégradent l'environnement et ne permettent pas de faire face aux besoins alimentaires du pays. Les Maisons familiales rurales forment les jeunes à des pratiques agricoles productives, écologiques et rémunératrices.
Comment s’organisent la formation des jeunes ?
Les MFR de Lama-Tessi et de Dampiong forment chacune, par alternance, une trentaine de jeunes ruraux par an. Une semaine par mois les jeunes suivent des cours théoriques et pratiques au sein de la Maison familiale. Les unités pédagogiques sont organisées autour des productions avicole, maraichère et vivrière. Les 3 semaines restantes, ils réalisent des stages en milieu professionnel.
De plus, chaque jeune dispose d’une parcelle dans l’exploitation de sa famille. Nous l’appelons champ d’alternance ou champ école. Après une année de formation, chaque jeune agriculteur reçoit un kit de formation. Le kit élevage est composé de 10 poules, d’un coq, d’un abreuvoir, d’une mangeoire et d’un appui vétérinaire. Le kit cultural permet de pratiquer la rotation de culture. Il se compose de semences de céréales et de légumineuses ainsi que d’une demi-dose d’intrants chimiques, afin de promouvoir la réduction de l’utilisation des intrants chimiques. L’apport chimique est complété par du compost et des déjections animales. Grâce à ce champ école, les familles peuvent constater les bons résultats.
Encouragez-vous les jeunes à se regrouper en coopératives ?
Oui, car la coopérative facilite l’accès au crédit et au marché. Nous formons les jeunes à la vente contractualisée en gros. Deux coopératives ont réalisé des ventes groupées de leurs produits. C’est le cas de la coopérative Persévérance qui a signé un contrat avec l’entreprise Bio For Ever pour la livraison de 15 tonnes de soja. Bio For Ever a fourni les semences aux producteurs. Ce type d’accord permet aux jeunes agriculteurs de disposer de liquidités au moment de la récolte et de se lancer dans d’autres activités à la fin de la campagne.
Les produits sont-ils appréciés des consommateurs togolais ?
Le consommateur choisit surtout en fonction du prix. Les prix pratiqués sont les mêmes que les produits soient bio ou pas. Cependant, de plus en plus de consommateurs sont attentifs à la qualité des produits qu’ils achètent, notamment les légumes. Ils préfèrent un légume de petite taille issu de l’agriculture biologique, qui se conserve mieux. Pour nos jeunes agriculteurs, cette préférence des consommateurs facilite la vente de leur récolte et la négociation des prix avec les commerçantes.
Le regard porté sur les agriculteurs évolue-t-il au Togo ?
L’agriculture était mal considérée au Togo. Le regard sur le métier d’agriculteur évolue, autant au niveau du gouvernement qu’au niveau de la population. Le gouvernement togolais a compris l’opportunité d’emploi et d’insertion des jeunes que représente l’agriculture. Il met en place de gros programmes de formation pour faciliter leur installation. Le ministre de l’Agriculture a créé une Direction de la formation, de la diffusion des techniques et des organisations professionnelles agricoles. Cette Direction appuie depuis plus d’un an, en relation avec les organisations de la société civile, une stratégie de formation agricole et rurale. Les MFR togolaises ont été sollicitées pour élaborer cette stratégie et ont été identifiées comme centres de formation.
La vision de l’agriculture change. On constate que même des jeunes diplômés décident de se tourner vers l’entreprenariat agricole. Aujourd’hui, on parle même de mettre en place une assurance maladie pour les agriculteurs. [...]
Propos recueillis en avril 2015 par Camille Bureau (CFSI) et édités en juin 2015. Photos © MFR
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