A qui profite l'Accord de partenariat économique entre l'Afrique de l'Ouest et l'Union européenne ?
L'Union européenne cherche à finaliser un accord de libre-échange avec l'Afrique de l'Ouest. Première zone économique mondiale, l'UE cherche à obtenir des concessions commerciales démesurées de la part d'une des régions les plus pauvres du monde. L'Afrique de l'Ouest se verrait privée de la possibilité d'utiliser des outils majeurs, tels que la protection des secteurs qu'elle souhaite développer.
L'UE souhaite accéder librement au marché ouest-africain
Jusqu'en 2000, l'UE accordait aux exportations d'Afrique de l'Ouest un accès presque totalement libre au marché européen, pour contribuer à son développement grâce au commerce. De leur côté, les Etats d'Afrique de l'Ouest n'avaient aucune obligation d'offrir ces mêmes avantages à l'UE.
Ces préférences commerciales étaient devenues contraires aux règles de l'OMC. L'UE a alors demandé la création d'une zone de libre-échange à l'échéance 2007 : l'Afrique de l'Ouest devait ouvrir son marché à 80 % aux produits européens sur 15 ans en échange d'une ouverture du marché européen à 100 % pour les produits ouest-africains dans le cadre d'un Accord de partenariat économique (APE) régional.
Toutefois, elle aurait pu maintenir des préférences unilatérales en demandant une dérogation à l'OMC comme elle l'a fait pour le Moldavie au motif que "la Moldavie est le pays le plus pauvre du continent européen [...] et n'a pas la compétitivité nécessaire pour prendre des engagements de réciprocité dans un accord de libre-échange avec l'UE".
12 des 16 Etats d'Afrique de l'Ouest sont classés dans la catégorie des Pays les moins avancés (PMA). Comme ils font partie des pays les plus pauvres de la planète, ils bénéficient de préférences commerciales unilatérales, le régime "Tout sauf les armes" qui leur offre un libre accès au marché de l'UE sans contrepartie. Cela explique pourquoi, fin 20007, l'UE n'avait obtenu le paraphe d'APE intérimaire qu'auprès du Ghana et de la Côte d'Ivoire, deux pays non-PMA menacés de perdre leur accès au marché européen.
Accélération du processus
Suite à l'amplification des pressions, les haut fonctionnaires ouest-africains chargés des négociations ont fini par parapher un APE régional le 30 juin 2014. L'APE est limité aux marchandises mais une clause "de rendez-vous" prévoit la mise à l'ordre du jour des autres sujets (services, investissements, marchés publics) très rapidement. L'UE affirme avoir fait des concessions. Les droits de douanes à l'entrée des produits européens en Afrique de l'Ouest seront éliminés sur "seulement" 75 % des lignes tarifaires. Exprimés en valeur des marchandises européennes exportées sur ces lignes, la libéralisation atteint 82 %. Le délai d'application a certes été allongé à 20 ans mais l'essentiel sera réalisé sur les 15 premières années. Bref, l'UE a obtenu ce qu'elle exigeait au départ.
Mais pour rentrer en vigueur, le paraphe de l'APE ne suffit pas. Il doit encore être signé puis ratifié, généralement après un vote des parlements en Afrique de l'Ouest et en Europe. Les organisations de la société civile européenne et ouest africaine font campagne contre la ratification.
Risques pour l'agriculture et pour les budgets des Etats africains
Une concession accordée par l'UE concerne les produits agricoles qui sont classés dans la catégorie des produits dits "sensibles" pouvant conserver leurs protections. Malgré tout, la plupart des matières premières agricoles destinées aux industries locales sont libéralisées (poudre de lait, céréales, etc.). Cette libéralisation génère une concurrence accrue avec les matières premières équivalentes produites par les agriculteurs africains. Par ailleurs, la baisse des droits de douane va affecter les budgets des Etats ouest-africains. Ces derniers ont déjà bien du mal à mettre en œuvre des politiques de développement agricole alors que l'agriculture fournit 60 % des emplois et 80 % des besoins alimentaires. De l'autre côté, l'UE subventionne fortement ses agriculteurs, avec pour conséquence la vente des productions agricoles en-dessous du prix de revient (concurrence déloyale).