Entretien avec Moussa Baldé sur la filière lait local au Sénégal
Le Sénégal est un grand importateur de produits laitiers. La facture s’élèverait à 60 milliards de FCFA par an. Le pays s’attelle maintenant à renverser la tendance, en renforçant les filières locales.
Moussa Baldé est le coordinateur national d’AVSF au Sénégal qui appuie la Maison des éleveurs de Vélingara (MDE) dans l’amélioration de la filière de lait local. Le projet accompagne les coopératives dans la transformation et la commercialisation de produits laitiers.
Deux tiers du lait consommé au Sénégal est importé, comment comptez-vous promouvoir la filière locale?
Face au prix de vente élevé du lait sénégalais, le lait en poudre importé commercialisé en sachets de tailles diverses paraît plus abordable. Nous voulons miser sur la diversification des produits - lait caillé, yaourts, lait frais et fromages - pour toucher de nouveaux clients comme les restaurants.
Au Sénégal, les produits locaux sont très bien vus. Les gens aiment les produits du terroir et sont prêts à payer un petit peu plus cher pour en acheter. Nous voulons jouer sur ce créneau, par exemple en faisant un label Casamance.
Comment fonctionnent les coopératives laitières ?
Chaque coopérative tient une mini-laiterie. Les éleveurs collectent eux-mêmes leur lait et livrent la totalité à la laiterie. Ils sont rémunérés chaque mois en fonction du volume livré et les bénéfices de la laiterie sont réinvestis dans d’autres activités ou utilisés comme petit crédit pour les éleveurs.
Chaque mini-laiterie a trois salariés : le gérant, le technicien de surface et le collecteur/vendeur, qui livre les productions à des boutiquiers et des points de vente dans des endroits stratégiques de la ville.
Les coopératives sont-elles rentables ?
La coopérative Larogal Aynakobé, située dans la commune de Vélingara, a été mise en place en 2002, elle est rentable et fonctionne à merveille ! Elle a gagné une compétition du ministère de l’Élevage et reçoit maintenant des subventions grâce auxquelles elle va se doter d’un groupe électrogène, de tank à lait et d’une unité complète de transformation automatique. Nous l’accompagnons dans ce changement d’échelle par des formations et un nouveau plan d’affaires.
Quelle est la place des femmes dans le projet ?
Traditionnellement les femmes s’occupent de la transformation et de la vente des produits laitiers. Comme la filière draine aujourd’hui plus d’argent, les hommes s’accaparent de plus en plus ces activités. Nous aimerions réserver la collecte et la vente du lait aux femmes pendant l’hivernage. Cette période ne nécessite pas la constitution de réserves fourragères, principal facteur limitant pour les femmes. [...]
Propos recueillis le 3 septembre 2012 par Mathilde Lecler, édités par Justine Mounet
Pour creuser le sujet :
Fiche innovation, Mini-laiteries coopératives pour optimiser la collecte et la distribution du lait local, 2013
Etude, Comment les exploitations familiales peuvent-elles nourrir le Sénégal ?, 2010
Sensibiliser, Mon lait, je l’aime local : produits et savoir-faire laitiers en Afrique de l’Ouest, 2009
Entretien sur la stratégie de changement d'échelle avec Moussa Baldé, 2019