Lasagnes à la viande de cheval : un accident ?

Étude/Synthèse/Article
Langue(s) : Français
Thématiques : Agrobusiness, Alternatives de commercialisation

L’affaire des lasagnes à la viande de cheval a provoqué nombre de commentaires. Le magazine Transrural Initiatives relaie cet article de la Confédération Paysanne qui refuse la fatalité et démontre que les solutions existent.

Un simple comportement de voyou, une société offshore chypriote, des affairistes, seraient la cause des « lasagnes frelatées au canasson ». Après les concombres aux Escherichia coli, le lait chinois à la mélanine, les poulets anglo-saxons aux boues de station d’épuration et les farines animales britanniques contaminées introduites dans l’alimentation animale, nous avons droit au même discours : « N’ayez crainte, un peu de traçabilité dans les produits importés et le problème sera résolu. »

Mais les langues se délient et, derrière nos appareils agro-industriels dévoués à satisfaire une consommation massifiée d’entrée de gamme - donc en recherche constante de prix les plus bas -, se cachent des salles de marché, des traders dont l’unique travail est de cliquer sur un écran des ordres d’achat et de vente, à longueur de journée. Telle cette société basée à Morlaix, avec quinze opérateurs qui n’a rien de clandestine1 : « Nous achetons des conteneurs de viandes congelées au Brésil que l’on revend au Nigeria, en Asie, en Russie. Nous achetons aussi de la volaille, du mouton  en France, en Allemagne, en Hollande que nous revendons en Russie ou en Asie. [...] Nous n’avons ni abattoirs, ni salles de découpes, ni frigos, que des bureaux, et nous refusons de nous entendre dire que nous ne serions que des intermédiaires présents dans ce circuit pour gagner de l’argent alors que nous avons des compétences… pour acheter aux meilleurs prix. » Nous sommes dans le copié-collé des subprimes avant la faillite de Lehman Brothers, quand nos banques achetaient et revendaient des produits titrisés, sans la moindre compréhension du contenu.

Les têtes bien pensantes, sorties des grandes écoles, nous expliquent que ces sociétés, à défaut d’être chez nous, iront opérer à Londres ou à Rotterdam. Nos décideurs politiques, en retard permanent d’une découverte, comme dans la lutte contre le dopage sportif, vont courageusement décider d’une commission d’enquête. Et les fonctionnaires des fraudes et des douanes vont galoper avec sacoches et éprouvettes, espérant découvrir le millième du problème pour répondre aux ordres véhéments de leurs chefs. Quant à la Commission européenne, restée scotchée au dogme de la concurrence libre et non faussée, n’en n’attendons rien… On l’aura compris, le seul espace d’un changement possible se situe à portée : il faut revenir aux circuits courts, de préférence de proximité, pour en finir avec les parasites qui vivent du travail des autres au mépris de la santé du plus grand nombre. Si les paysans-producteurs sont aussi un peu coupables d’avoir confié le destin de leurs produits entre les mains d’énormes coopératives et autres outils de transformation industriels, la traçabilité des viandes est un début de réponse seulement pour les produits non transformés. Des collectivités locales ont désormais un cahier des charges pour l’approvisionnement des cantines qui leur permet de se fournir localement, voire en bio, et de retrouver le chemin de la qualité alimentaire. La restauration collective qui a longtemps été un problème, avec l’écoulement de quantité de produits indignes, peut désormais devenir une partie de la solution, avec ses 12 millions de repas par jour ! Mais, globalement les relations producteurs-consommateurs sont à réinventer.

Article paru dans le n° 283 de Campagnes Solidaires, avril 2013

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