Une (in)certaine vision de l'agroécologie
Le ministère en charge de l'agriculture a présenté son "projet agroécologique pour la France" lors de la conférence nationale "Produisons autrement". Le magazine Transrural Initiatives a pu constater des ambiguïtés ainsi qu'un certain scepticisme chez une partie des acteurs présents.
"Remettre l’agroécologie au cœur du système », tel était l'objectif de la conférence nationale « Produisons autrement » qui se tenait le 18 décembre dernier à Paris. Stéphane Le Foll, ministre en charge de l’agriculture, déclarait même en ouverture : « Il faut faire de la France le leader européen de l’agroécologie. »
Tout au long de la journée, des témoignages sur le travail biologique du sol, l’autonomie des exploitations ou encore l’agroforesterie se sont succédés. Un agriculteur breton a présenté le fonctionnement de sa ferme, sans pesticides, et Philippe Pastoureau, agriculteur sarthois, a quant à lui fustigé « le conseil agricole [qui] n’est là que pour faire des prestations et nous aider à remplir des tableaux ». Quentin Delachapelle, agriculteur du Civam de l’Oasis, a enfoncé le clou : « Nous ne voulons pas des experts mais des animateurs, de l’accompagnement pour échanger sur nos pratiques agricoles.» Une position bien entendue par l’un des grands témoins, Vincent Tardieu, journaliste scientifique, qui a présenté les agriculteurs comme « des ingénieurs en écologie de terrain » et affirmé que la réussite d’un projet agroécologique résidait, entre autres, dans le travail en réseau, l’expérimentation et la refonte du conseil agricole.
Agroécologie industrielle ?
Des chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) étaient également présents tel Jean-Louis Peyraud qui a rappelé la pertinence des systèmes herbagers économes tout en assumant que « [la recherche agronomique] a peut-être dans le passé, promu des solutions à court terme, sans trop penser aux impacts… ». Cette vision ne semblait pas partagée par la chercheuse Sylvie Bonny, intervenue dans le public, pour affirmer : « La nature est une mégère. C’est bien beau de parler de lombrics, de diminuer les intrants, mais moi je veux vous parler des charges fixes d’une exploitation, car tout ça a un coût. » Quant à Jean Boiffin, chercheur à l’Inra d’Angers, il n’a pas hésité à déclarer qu’en termes d’innovation « l’agroécologie a tout à gagner à se rapprocher de l’industrie ». [...]
Si cette conférence nationale a certes permis (enfin) de donner une tribune aux tenants d’une agriculture plus respectueuse de l’environnement, plus autonome et ancrée dans les territoires, « on voit que les discours transpirent encore la culture du rendement », soulignait une intervention du public. Pour l’universitaire belge « grand référent de l’agroécologie » Philippe Barret, qui concluait la journée, il faudrait allouer les mêmes moyens à l’agroécologie qu’aux biotechnologies, faisant ainsi ressortir le manque de financements et la nécessité de repenser les aides en matière d’agriculture. La Confédération paysanne et Nature et Progrès émettaient des réserves quant à cette conférence, rappelant que l’agroécologie ne se résume pas à une « technique agronomique » mais qu’elle porte en elle un projet de transformation sociétale [...]
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