Marie-Monique Robin : « Il faut se désintoxiquer de la consommation »
Le dernier film de Marie-Monique Robin, « Les Moissons du Futur », a été projeté dans le cadre du festival ALIMENTERRE. Interview.
Pourquoi avoir choisi d'enquêter sur le sujet de l'agroécologie ?
J'entendais sans cesse les défenseurs de l'agriculture industrielle proclamer avec beaucoup d'assurance qu'on ne pourrait pas nourrir le monde sans pesticide. Jean-René Buisson, patron de la fédération agroalimentaire, m'avait par exemple affirmé sur un plateau télé : « si on interdit les pesticides il y aura 50% de production en moins et les prix agricoles augmenteront de 40% ! ». J'avais fini par me dire qu'il y avait sans doute du vrai derrière cela, mais j'ai eu envie de vérifier si le modèle agro-industriel que j'avais déjà pas mal dénoncé était réellement incontournable. Et il s'est avéré que ces affirmations ne reposent en fait sur absolument rien !
Avant de débuter l'enquête, vous n'étiez donc pas certaine du résultat ?
J'espérais qu'il existe des alternatives, mais j'avoue que je ne pensais pas que ça marchait aussi bien. Avant de commencer ce film, je croyais en effet que, sans pesticides, les rendements baisseraient, tout en me disant qu'on y gagnerait dans d'autres domaines : on arrêterait de polluer l'eau et les terres, il y aurait moins de paysans malades, ça coûterait moins cher à la sécu... Mais au fil de l'enquête je me suis rendue compte que même la baisse des rendements était un mensonge ! Une fois qu'on a récupéré les sols, qu'il y a suffisamment d'humus, les rendements peuvent être similaires voire supérieurs.
Vous avez maintenant les arguments pour répliquer aux tenants de l'agro-industrie ?
Oh que oui ! J'affirme maintenant publiquement que si aujourd'hui on ne parvient pas à nourrir le monde, c'est à cause du modèle agronomique et économique qu'incarnent les pesticides. Dire que sans pesticide on ne parviendra pas à nourrir le monde, c'est un argument très fort, mais en fait c'est une construction de l'industrie. Il y a deux études financées par l'industrie et relayées en boucle par les médias, qui sont complètement bidons, comme me l'a indiqué une scientifique que j'ai interviewée. Les multinationales ont des moyens énormes pour fabriquer le doute, on l'a vu avec l'industrie du tabac, c'est une pratique très habituelle.
Quand M. Buisson affirme que la production va baisser de 50%, il le dit avec une telle assurance que personne ne va aller fourrer son nez dedans ! Moi j'ai la chance de pouvoir passer un an et demi à chercher. [...]
https://www.starting-block.org/Propos recueillis par Flore Viénot, Starting-Block