Ethiopie : les déplacements forcés provoquent la faim et la détresse
Le nouveau village de Bildak, dans la région de Gambella, a dû être rapidement abandonné en mai 2011 par les Nuer, un peuple semi-nomade qui y avait été transféré de force, parce qu'il n'y avait aucune source d'eau pour leur bétail.
Dans le cadre de son programme de « villagisation », le gouvernement éthiopien est en train de déplacer de force environ 70 000 personnes dans la région de Gambella, dans l'ouest du pays. Ces personnes sont réinstallées dans de nouveaux villages où la nourriture, les terres arables et les services de santé et d'éducation adaptés font défaut, a affirmé Human Rights Watch dans ce nouveau rapport. Les forces de sécurité de l’État ont à de nombreuses reprises fait subir des menaces, agressions et arrestations arbitraires aux villageois qui s'opposaient à leur déplacement forcé.
Ce rapport, intitulé Waiting Here for Death: Forced Displacement and ‘Villagization’ in Ethiopia’s Gambella Region ( On attend la mort ici: déplacements forcés et “villagisation”dans la région de Gambela en Éthiopie"), analyse la première année du programme de villagisation à Gambela. Il expose en détails la nature involontaire des transferts, la perte des moyens de subsistance, la détérioration de la situation alimentaire, et les violations actuellement perpétrées par les forces armées à l'encontre des personnes concernées. La plupart des zones où vivaient les populations actuellement déplacées ont vocation à être mises en location par le gouvernement, au profit d'un développement agricole commercial.
Le gouvernement affirme que le programme de « villagisation » est conçu pour donner « accès aux infrastructures socio-économiques de base » aux personnes déplacées, et pour amener « une transformation socio-économique et culturelle des personnes ». Cependant, bien qu'il ait promis d'offrir des compensations adéquates, le gouvernement n'a pas fourni les ressources nécessaires pour faire vivre les gens dans les nouveaux villages.
Les résidents de Gambella n'ont jamais possédé de droits officiel sur les terres sur lesquelles ils vivent et qu'ils exploitent. Le gouvernement prétend souvent que ces zones sont « inhabitées » ou « sous-employées ». Cet argumentaire permet au gouvernement de passer outre les dispositions constitutionnelles et les lois qui pourraient protéger ces populations.
Rôle des bailleurs de fonds internationaux
Les bailleurs de fonds étrangers qui soutiennent financièrement l’Éthiopie, parmi lesquels le Royaume-Uni, les États-Unis, la Banque Mondiale et l'Union Européenne, soutiennent qu'ils n'ont aucune implication directe dans les programmes de villagisation. Pourtant, le Programme multi-bailleurs de protection des services de base (PBS) subventionne ces services de base – la santé, l'éducation, l'agriculture, les routes et l'eau – ainsi que les salaires des administrations locales dans tous les districts du pays, y compris les zones où de nouveaux villages sont construits et où la principale activité des autorités locales est de déplacer les gens.
Les bailleurs internationaux devraient s'assurer qu'ils ne prêtent pas assistance à des déplacements forcés, et ne favorisent pas des violations des droits au nom du développement.