"Nos idées gagnent du terrain"
Les collectivités locales ont une carte à jouer pour orienter l'agriculture vers des modèles plus respectueux des écosystèmes.
Photo : Benoît Faucheux, président de la commission Développement durable et transition énergétique de l'Association des régions de France (ARF)
Les négociations sur la libéralisation des échanges redoublent d’intensité. Les partisans d’une autre politique, reposant sur la liberté des peuples à se nourrir eux-mêmes pour assurer la sécurité alimentaire, ont-ils perdu la partie ?
Pour nourrir le monde, il n’y a pas qu’une seule réponse : le système agro-industriel. Relié aux marchés internationaux, il met les agriculteurs en concurrence les uns avec les autres. Il fabrique des produits standardisés, repose sur l’augmentation des rendements, l’agrandissement des exploitations et sur une surconsommation des ressources naturelles (terre, eau…). Or, ce modèle est nuisible pour l’emploi et l’environnement.
De l’autre côté, de plus en plus d’initiatives menées au niveau des territoires montrent que des modèles plus respectueux des écosystèmes, jouant sur les potentialités de la nature et sur la valorisation du patrimoine agricole local, peuvent devenir un levier de développement économique. S’appuyant sur la dynamisation d’un réseau d’exploitations familiales directement connectées aux consommateurs locaux, ils encouragent parallèlement la montée en puissance d’un réseau de TPE et de PME pour transformer et distribuer leurs produits. Pour les agriculteurs, ces systèmes sont l’assurance d’une juste répartition de la valeur ajoutée, car il est plus facile de négocier avec des petits transformateurs ou des circuits de distribution alternatifs qu’avec des multinationales !
Ces projets territoriaux ont-ils la capacité de nourrir le monde ?
Leurs potentialités sont loin d’être négligeables. Au cours de ces dernières années, les collectivités territoriales ont participé à l’accroissement de ces productions en recherchant des nouveaux marchés via la restauration hors foyer, dans les cantines scolaires par exemple. Bien sûr, ces systèmes ne peuvent pas répondre à eux seuls à tous les besoins : en France, on continuera à importer des bananes ! Mais ces importations se feront sur la base de complémentarités et non pas de mise en concurrence des agriculteurs. [...]
Les régions ont-elles réellement les moyens de passer du soutien à des initiatives locales à un appui plus global à l’émergence d’alternatives à l’agriculture intensive ?
Les régions ont la responsabilité de conduire la politique de développement économique de leur territoire, à laquelle participent l’agriculture et l’agroalimentaire. Elles ont aussi leur propre politique agricole. Depuis la dernière réforme de la politique agricole commune
(PAC), nous gérons les mesures agroenvironnementales. Nous pouvons donc définir de grands axes stratégiques à affiner ensuite au niveau local.
En est-il de même pour les agriculteurs des pays du Sud ?
Dans les pays en développement aussi, la relocalisation de la production est en marche. Soutenir ces initiatives est vital car vu la pression démographique, ces pays doivent augmenter leur production agricole pour répondre à un triple enjeu : satisfaire aux besoins
alimentaires de leurs populations, se mettre à l’abri de la fluctuation des cours sur le marché mondial et maintenir l’emploi agricole. [...]
Article issu du numéro spécial d'Alternatives Economiques "Manger local ou manger mondial", réalisé en partenariat avec le CFSI, dans le cadre de la campagne ALIMENTERRE 2016.