Pour l'intérêt paysan ? Les paysans et les paysannes sont-ils les laissés pour compte des financements mixtes public-privé ?
Face au défi du financement des filières agricoles au Sud, les bailleurs de l'Aide publique au développement (APD) attire des capitaux privés en absorbant le risque à la place des investisseurs. Ce rapport d'Oxfam réunit les données disponibles quant à l'efficacité pour la lutte contre la pauvreté des réalisations financées.
En dépit de l'énorme potentiel de contribution de l'agriculture familiale à la réduction de la pauvreté en Afrique, moins de 1 % des prêts commerciaux sont consacrés au secteur agricole. Les bailleurs de l'aide internationale perçoivent les financements mixtes publics-privés comme un moyen innovant d'attirer des investisseurs privés dans les filières agricoles et alimentaires, notamment en réduisant les risques qu'ils supportent.
Présomption d'efficacité
La présomption de la part des bailleurs quant au mérite du mixage risque d'entraîner le recours accru à l’APD et à d'autres fonds publics pour mobiliser des investissements privés dans l'agriculture. Or force est de constater que les preuves tangibles de l'efficacité des financements mixtes publics-privés dans l'agriculture, et de leurs résultats concrets, restent limitées.
En 2016, l'UE a d'ailleurs fait une évaluation de ses opérations de mixage et conclut que "les projets de mixage visaient davantage le développement macro-économique que de s'attaquer directement à la lutte contre la pauvreté" et que "la dimension genre était rarement prise en compte".
Le secteur agricole est toujours jugé comme trop risqué
Les programmes de mixage visent tous à injecter des fonds privés dans des PME ou petits exploitations familiales et énoncent bel et bien des objectifs de développement. Toutefois ce sont des données quantitatives (emplois créés, accès au crédit) qui sont suivies et non des données qualitatives sur la réduction des inégalités. Et certains programmes de mixage, tels que ceux du Dutch Good Growth Fund (DGGF) aux Pays-Bas et de la Société de promotion des investissements privés à l'étranger (OPIC) aux États-Unis, destinent officiellement certains de leurs programmes (DGGF) ou tous (OPIC) à des entreprises de leur pays d'origine.
Toutefois le principal dispositif américain de financements mixtes pour l'agriculture est l’Autorité du crédit au développement (DCA), un régime de garantie partielle de prêt mis en oeuvre par USAID, a par exemple permis de mobiliser une banque ghanéenne en faveur de l'agriculture familiale. La DCA a fait ressortir cet expérience comme un fleuron du genre car elle est atypique : la banque a su apprendre et s'adapter à des projets d'agriculture à haut risque.
La plupart des institutions financières continuent de percevoir le secteur agricole comme trop risqué, même avec les incitations qui leurs données. Ainsi le Plan d'investissement extérieur de l'UE (PIE) avait envisagé un important volet "Agriculture durable, entrepreneurs ruraux et agro-industrie". Finalement le PIE 2018 ne comprend qu'un seul projet agricole, en dépit des fonds disponibles pour d'autres projets. Les banques commerciales locales ciblées par le bailleurs se méfient trop des risques élevés associés. S'ils se décident à investir, il y a un risque que leur engagement soit de courte durée et peu fiable.
Une sur-exposition au risque ?
Des questions se posent quant à la pérennité des garanties contre le risque (pour combien de temps ? pour qui ?). Même si les banques peuvent être les premières victimes en cas de défaut de paiement, le financement par l'emprunt peut accroître considérablement le risque couru par les paysans qui ne disposent pas de filets de sécurité. Un autre constat préoccupant est que les programmes de financements mixtes publics-privés pourraient exposer inutilement tous les acteurs des filières à des risques accrus, en particulier s'ils se sont sensiblement agrandis.