Quel avenir pour le BIO ?
Alors que le marché du Bio a connu une forte croissance ces dernières années, la tendance semble s’être inversée depuis 2 ans. L’Agence Bio a annoncé une baisse du chiffre d’affaires du secteur de 1,3% entre 2021 et 2022 et les premiers chiffres disponibles sur l’année 2022 confirment la tendance. Alerté par ce phénomène, le Think-Tank Terra Nova a publié en février dernier un rapport pour tenter de comprendre les causes de ce ralentissement et avancer des pistes pour mieux accompagner le développement de l’agriculture biologique.
Le Bio, un problème d’offre ?
Depuis les années 70 se construit, en France et en Europe, l’agriculture biologique comme pratique agricole répondant à un cahier des charges spécifique en attestant d’un certain niveau de qualité et d'un mode de production respectueux de l'environnement, du bien-être animal et de la biodiversité. Poussés par des facteurs variés, sanitaires, écologiques ou encore financiers, de plus en plus d’agriculteurs se lancent dans l’aventure du bio, soutenus par des incitations et des aides financières françaises et européennes de plus en plus importantes.
L’agriculture biologique en France connaît une croissance significative, soutenue par des incitations financières et une demande croissante des consommateurs. Cependant, malgré une meilleure reconnaissance du label AB, il existe encore un manque d'information sur son cahier des charges et ses contrôles. Selon l'Agence Bio, un français sur deux estime ne pas être suffisamment informé sur les garanties du label AB.
Une pratique de consommation en perte de vitesse
Alors que la consommation de produits bio a connu une forte croissance sur la dernière décennie, celle-ci semble sujette à un baisse significative depuis 2021. C’est notamment le cas pour des produits tels que la farine (-18 %), le beurre (-12 %), le lait (-7 %) et les œufs (-6 %). Les fruits et légumes frais bio sont également en déclin, avec une baisse de 11 % des volumes d'achats sur un an. Cette baisse est cependant à relativiser, notamment au vue du fort impact de la pandémie de Covid-19 sur les pratiques de consommation.
Ainsi, la baisse de la consommation de produits bio n'affecte pas uniformément tous les circuits de distribution. Les grandes surfaces alimentaires sont les plus touchées, avec une diminution des ventes en valeur de 5,6 %. Parallèlement, de nombreux magasins spécialisés ont dû fermer leurs portes. Cette tendance souligne les difficultés rencontrées par certains acteurs du secteur bio.
Un contexte économique difficile et une concurrence en hausse
Certains facteurs contribuent à la différence de prix entre les produits biologiques et conventionnels, ce qui constitue le principal frein à l'achat de produits bio. Parmi ces facteurs, on trouve l'augmentation de l'intensité en main-d'œuvre due à l'impossibilité d'utiliser des insecticides et herbicides, ce qui engendre des coûts supplémentaires. De plus, les rendements bio sont généralement plus faibles et les exploitations bio sont souvent de petite taille, ce qui limite les économies d'échelle. Toutefois, l'agriculture biologique permet de réaliser des économies sur d'autres postes de dépenses, tels que les engrais et les produits phytosanitaires.
Dans un contexte économique tendu marqué par l'inflation et la baisse du pouvoir d'achat, les consommateurs sont contraints de faire des choix plus stricts en matière d'achats, ce qui peut nuire au développement de la consommation de produits bio. Les facteurs conjoncturels tels que la crise en Ukraine et la pandémie de Covid-19 ont également contribué à la hausse des prix alimentaires.
Dans le même temps, la filière bio est confronté à une forte hausse de la concurrence en France. Il existe désormais d'autres offres concurrentes, telles que les produits locaux, les produits sans résidus de pesticides, les produits équitables, qui utilisent parfois les codes du label bio sans offrir le même niveau d'exigence. Certains consommateurs se tournent vers ces alternatives en raison de nouvelles attentes sociétales et environnementales, telles que le bien-être animal, la proximité géographique, la réduction des emballages plastiques et une meilleure rémunération des producteurs. Pourtant, l'opposition entre les produits locaux et le bio par exemple n’est pas nécessaire. Les circuits courts de proximité peuvent compléter le bio en fournissant des débouchés pour les agriculteurs qui se sont convertis au bio et en renforçant les liens entre les agriculteurs et les consommateurs.
Des perspectives rassurantes
Malgré ses fragilités, l'agriculture biologique présente des avantages pour faire face aux grands enjeux tels que le changement climatique, l'adaptation à ses effets et la protection des ressources et de la biodiversité. L'inflation des coûts des intrants aura un impact moins important sur les produits bio par rapport aux produits conventionnels, ce qui pourrait réduire l'écart de prix entre les deux. De plus, la capacité du secteur à contractualiser sur le long terme contribue à amortir la hausse des coûts et à limiter la volatilité des prix.
Les pratiques biologiques telles que les rotations des cultures, la diversification des cultures et la protection des sols favorisent une meilleure résistance aux chocs climatiques et réduisent les impacts négatifs sur l'environnement. Enfin, il est souligné que la transmission des exploitations agricoles constitue une opportunité pour l'agriculture biologique, car de nombreux jeunes ont une préférence pour ce type de production.
Des solutions pour l’avenir du Bio ?
Enfin, Terra Nova met en avant des solutions et des pistes de réflexion pour soutenir l’avenir de l’agriculture biologique. Parmi les pistes envisagées, on retrouve la sensibilisation du public, l’amélioration de l’évaluation et des certifications, l’intégration d’une dimension sociale aux labels existants, la facilitation de l’accès aux produits bio, l’intégration de l’agriculture biologique dans les formations des professionnels de l’agriculture et de l’alimentation ou encore la favorisation des ventes locales pour améliorer les débouchés commerciaux des producteurs bio…
Si les bénéfices sanitaires et écologiques de la production biologique sont aujourd’hui reconnus, la soutenabilité de son modèle économique est remise en question. Aussi, pour ne pas qu’elle s’essouffle, il est nécessaire de lui allouer les moyens nécessaires pour se consolider mais également veiller à mieux sensibiliser les consommateurs aux spécificités et aux exigences de la production bio.