Un vrai bras de fer pour les intrants
Le Réseau des horticulteurs de Kayes (RHK), au Mali, accompagne la transition des producteurs vers l’agroécologie. Le soutien des pouvoirs publics est indispensable, notamment en ce qui concerne les semences locales et les engrais biologiques. Entretien avec Ibrahim Sarr, le directeur du RHK.
Comment le Réseau des horticulteurs de Kayes juge-t-il le soutien que lui apporte l’État malien dans le domaine des intrants, et notamment des engrais?
L’État n’appréhende pas encore le rôle et la place des cultures maraîchères et fruitières à leur juste valeur. Il considère qu’il doit soutenir en priorité les cultures de souveraineté. Les cultures maraîchères n’en font pas partie. Les subventions ciblent essentiellement le riz, le maïs et le coton. Derrière elles, il y a de puissants lobbies, des organisations fortes, qui défendent leurs intérêts. L’État rembourse jusqu’à 50 % du prix aux opérateurs qui préproduisent les intrants, ce qui permet aux paysans de les acheter à moitié prix.
Les subventions favorisent-elles les intrants organiques?
À l’origine, cette politique ne concernait que les engrais et les pesticides chimiques. Depuis 2015, un certain nombre d’intrants biologiques en bénéficie aussi, notamment la fumure organique. Il aura fallu que le mouvement paysan et, de façon générale, les défenseurs de l’agroécologie mènent campagne pendant trois ans pour y parvenir. Mais là encore, il faut faire la part des choses: il s’agit essentiellement d’intrants biologiques produits de manière industrielle par des multinationales et des investisseurs étrangers. Mettre à la disposition des producteurs des intrants biologiques est positif, mais certains de ceux qui sont proposés contiennent des produits chimiques. C’est dû à la fois à un cahier des charges mal défini et à un manque de contrôle par l’État.
En juillet 2017, le ministère de l’Économie reconnaissait l’ampleur de la fraude sur les engrais subventionnés.
L’État n’a pas mis en place tous les instruments pour surveiller si les engrais destinés à telle région y arrivaient à temps. Souvent des produits censés être livrés en juin, au moment du semis, arrivent au mois d’août quand tout est déjà en place. Ces subventions ne participent pas à la campagne agricole de façon efficiente. Certains opérateurs économiques se livrent à toutes sortes de spéculations. Les engrais subventionnés profitent alors plus aux commerçants qu’aux producteurs.
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Cet article est extrait de la publication Les batailles du consommer local en Afrique de l'Ouest