Alimentation ou agrocarburants, faut-il choisir ? L'exemple du Burkina Faso
Perpective Sécurité alimentaire n° 8 - Mai 2011
Les agrocarburants peuvent menacer la sécurité alimentaire par plusieurs mécanismes : la concurrence des débouchés (par exemple, l’huile vendue sur le marché de l’alimentation
ou sur celui de l’énergie) ; la transmission des prix internationaux aux prix nationaux (effet des prix élevés des céréales importées comme le riz sur les prix des produits vivriers locaux
– sorgho, mil, maïs) ; la compétition entre plusieurs produits pour l’accès aux terres et à l’eau (jatropha en monoculture ou culture associée, canne à sucre exigeante en eau) ou pour l’allocation du travail et du capital au sein des ménages (cultures de rente).
Qu’en est-il de l’effet de ces mécanismes au Burkina Faso ?
La seule huile alimentaire fabriquée dans le pays provient du coton, la question de la concurrence des débouchés ne se posent pas. L'observation des prix des céréales montre que le marché local est peu intégré au marché international. En ce qui concerne la compétition foncière par contre, beaucoup des terres prétendument disponibles sont utilisées par les populations locales pour leur survie : cueillette, transhumance, collecte de bois de chauffe… De plus, une partie des terres actuellement disponibles pourraient ne pas le demeurer face à la croissance de la population d’un pays qui n’a pas encore opéré sa transition démographique.
Une réponse propre à chaque pays
Faut-il choisir entre alimentation et agrocarburant ? La réponse est propre à chaque pays. Les conditions à respecter sont nombreuses pour que les avantages des agrocarburants l’emportent sur les inconvénients : privilégier l’usage domestique plutôt que l’exportation, appuyer l’émergence des systèmes décentralisés, localiser les cultures dédiées de façon à éviter la compétition avec les cultures vivrières, réguler le marché de l’huile alimentaire, lever les verrous techniques liés à la production et à la transformation, privilégier les projets impliquant l’agriculture familiale plutôt que l’agrobusiness.
Dans le contexte actuel de risque pour la sécurité alimentaire, mais aussi de compétitivité fluctuante des agrocarburants due à la volatilité des prix du pétrole, et de faible solvabilité des
populations rurales, l’émergence des filières de proximité suppose de mettre en oeuvre des politiques publiques nationales pour orienter, protéger et inciter les parties prenantes. Mais les jeux d’acteurs sont complexes entre le public et le privé, entre le local, le national et le global. Des alliances se nouent aussi entre les sociétés privées et l’État, entre les sociétés étrangères et les entreprises locales ou le pouvoir traditionnel, entre les collectivités territoriales, les ONG, les fondations et l’aide internationale. Ces jeux d’acteurs et ces alliances marquent de leur empreinte les choix politiques qui détermineront les conséquences des investissements dans ce secteur.