Au Niger, soutenir les femmes pour que le lait bénéficie à tous
Aïchatou Boukar est la responsable genre du projet Nariindu, fruit d’un partenariat entre l’Iram et l’ONG nigérienne Karkara. Depuis 2015, les deux organisations ont identifié le maintien de l’implication des femmes dans la filière comme un enjeu central pour le bien-être et la nutrition des familles.
L’implantation des centres de collecte s’est-elle faite en faveur des femmes ?
Auparavant, les femmes devaient obligatoirement transformer le lait puis se rendre sur les marchés pour le vendre, parfois dès l’aube. Or elles sont par ailleurs chargées des tâches domestiques et du soin des membres de la famille. Avec les centres de collecte, elles ont pu vendre leur lait aux collecteurs et n’ont plus l’obligation de se rendre tous les jours aux marchés ce qui allège grandement leur charge de travail.
Toutefois, au début du projet Nariindu (2012), nous avions observé avec surprise que les femmes étaient invisibles dans la filière, en particulier dans les instances de décision et de gestion du centre de collecte déjà en place à Hamdallaye.
Le constat n’est pas général mais sur ce centre en particulier : les femmes étaient « dépossédées du lait », de la traite du matin surtout. Pourtant, traditionnellement, le lait était leur moyen d’obtenir un revenu. Elles en avaient la gestion. Notre objectif a dès lors été d’empêcher ce phénomène dans les centres de collecte à venir.
Ne pas « déposséder les femmes du lait » : raison de la création de votre poste ?
Oui, nos premiers appuis aux femmes se limitaient au microcrédit et à l’alphabétisation. Toutefois, elles étaient toujours absentes des comités de gestion des centres de collecte. Ce n’est qu’en 2017 que nous avons véritablement adopté une approche genre systématique, au moment de la création d’un poste dédié à cette question.
Comment expliquer cette éviction des femmes ?
Traditionnellement, les hommes s’occupent de la traite et confient le lait collecté à leurs épouses qui le transforment et le commercialisent. Elles en ont la gestion et la propriété, grâce à quoi elles peuvent satisfaire les besoins nutritionnels de la famille et obtenir un revenu en commercialisant le lait caillé sur le marché informel.
Avec l’arrivée d’industries laitières comme Solani, le lait a pris une valeur marchande. Les hommes se sont alors accaparés le lait pour le vendre aux laiteries ou au centre de collecte de Hamdallaye (créé en 2008). Donner le lait à leurs épouses représentait dorénavant un manque à gagner. Si les femmes voulaient transformer le lait pour le vendre ou le garder pour la consommation familiale, elles devaient l’acheter à leurs maris. Nous avons toutefois remarqué qu’il existait des divergences entre les sous-bassins de Niamey : à Namaro et Kollo, la plupart des femmes conservent le lait sans l’acheter à leurs maris.
Pour creuser le sujet :
- Visiter le site du projet Nariindu
- Entretien, Au Niger, le centres de collecte multiservices, garants de la place des éleveurs dans la filière, 2020
- Rapport, Promouvoir le lait local au Sahel, Nariindu, appui genre et nutrition, Iram, 2017
- La fiche thématique Genre et agriculture, 2019
- Synthèse, La filière lait ouest-africaine, une affaire de femmes ? 2020