Avancées juridiques contre les accaparements de terre au Bénin
L'insécurité foncière au Bénin est causée par le manque de fiabilité des titres de propriété et la quasi-inexistence de documents d'inventaire des propriétés et des ayants droit. Eric Ahoumenou, avocat chargé des relations extérieures au Mouvement des Sans Voix, fait le point sur les avancées de la nouvelle loi foncière.
Photo : Solidarité internationale contre les accaparements de terre, Bénin, septembre 2012 © No-Vox
Une situation créant des litiges fonciers
Durant l'époque coloniale, un terrain était attribué à l'essai et, à l'issue d'une période probatoire, le bénéficiaire en devenait propriétaire s'il avait pu démontrer sa capacité à mettre en valeur ce terrain (soit en bâtissant, soit en en faisant une terre agricole).
Depuis 1965, la loi a instauré l'acquisition de titres de propriété foncière. Plusieurs acteurs ont joué un rôle afin de transformer les permis d'habiter en titres fonciers. Ainsi, le système foncier est caractérisé aujourd'hui par la coexistence de trois régimes fonciers : le régime coutumier, caractérisé par l'oralité ; le régime de l'immatriculation, le régime du permis d'habiter.
Cette diversité est en partie causée par une insécurité foncière déplorable, due à la faible détention de titres de propriété fiables et inattaquables et à la quasi inexistence de documents graphiques et littéraux faisant l'inventaire de toutes les propriétés foncières et de leurs ayants-droits.
Au Bénin, les principaux problèmes au niveau foncier sont :
- le manque de connaissances de leurs droits, du fonctionnement de l'institution judiciaire qui empêche souvent les populations et habitant-e-s pauvres, en tant que propriétaires de parcelles de faire face aux procédures administratives afin d'obtenir leurs titres fonciers ;
- l'incapacité de l’État béninois à réguler le foncier, à cadastrer tous les centres urbains pour mettre en place une politique d'attribution des titres de propriété à qui de droit grâce un service foncier permanent ;
- la stérilisation d'une partie de l'épargne privée par la thésaurisation des terres.
- la spéculation foncière galopante ;
- la remise en cause des droits des acquéreurs de parcelles par les héritiers de leurs vendeurs.
A ces problèmes, on peut en ajouter d'autres qui créent une réelle insécurité foncière :
- les erreurs d'identification des ayants-droits. On n'est jamais certain que le vendeur a le droit de vendre la terre ;
- la mauvaise identification du terrain sur lequel porte une mutation. Le terrain que l'on croit avoir acheté n'est pas toujours celui qui est désigné sur le titre foncier ;
- l'administration elle-même considère que, tant qu'un titre foncier n'a pas été attribué sur 99 % d'un territoire, elle reste en droit d'exercer une sorte de droit de propriété qui peut aller jusqu'à prendre le terrain dont elle a besoin.
Le nouveau code foncier et domanial œuvre à la lutte contre les accaparements de terre
C'est dans ce contexte que s'inscrit la nouvelle loi qui combat les pratiques mafieuses en zone rurale et urbaine et lutte contre l'escroquerie foncière, les conflits de limites, les conflits liés à la contestation des droits de propriété ou aux partages successoraux mais aussi les conflits fonciers entre agriculteurs et éleveurs.
Parmi les grandes avancées juridiques, il faut noter que seules les personnes ayant la nationalité béninoise peuvent aujourd'hui acheter des terres au Bénin, à condition que la vente ne dépasse pas les 800 hectares de terrain, et dans une perspective d'usage direct d'exploitation de cette terre.
Ce nouveau code foncier comporte l'instauration de nouvelles instances qui auront à gérer les questions foncières : un cadastre pour la gestion de l'ensemble des actes administratifs et techniques décrivant la propriété foncière ; l’agence nationale du domaine et du foncier (ANDF), nouvel organe de gestion foncière ; des commissions de gestion foncière (CoGef) dans chaque commune. [...]
"La Terre est à nous !" est le 10ème numéro de la collection Passerelle édité par Ritimo.