Comment la Fondation Gates dépense-t-elle son argent pour nourrir le monde ?

La Fondation Bill et Melinda Gates était totalement absente de la scène agricole il y a 10 ans. Elle s'est rapidement imposée comme l'un des principaux acteurs mondiaux du développement agricole avec un budget équivalent à la moitié de celui de la FAO, l'organisation des Nations unies pour l'agriculture et l'alimentation. Mais la Fondation est accusée d'encourager un modèle d'agriculture industriel importé, fondé sur des semences et produits chimiques vendus par des sociétés américaines. GRAIN s'est penché sur les documents financiers publics de la Fondation pour voir s'ils allaient dans le sens de ses détracteurs.

Photo : Bill Gates procédant à une pollinisation croisée de blé © Cornell University

En analysant les données financières de la Fondation Gates sur une période allant de 2003 à 2013, l'ONG GRAIN a pu étayer les affirmations suivantes :

- La Fondation Gates lutte contre la faim au Sud en donnant de l'argent au Nord. La plus grande partie de l’argent dépensé va vers les États-Unis (880 millions de dollars), suivi du Royaume Uni (158 millions) et de l’Allemagne (115 millions). L’Inde pour sa part n’obtient qu’environ 41 millions de dollars, la Chine 37 millions et les pays africains se partagent 160 millions de dollars. Le fracture Nord-Sud est particulièrement choquante lorsque l'on regarde les ONG soutenues par la Fondation Gates. Plus des trois quart des fonds sont allées à des ONG basées aux Etats-Unis, et seulement 4 % à des ONG africaines.  

- Ses subventions vont aux scientifiques, pas aux agriculteurs. Avec 720 millions de dollars, le plus grand bénéficiaire est le CGIAR, un consortium de 15 centres internationaux de recherche agricole moteurs dans la diffusion du modèle controversé de la Révolution verte dans les années 1960 et 70. Les universités et aux autres centres de recherche bénéficient de 680 millions (dont plus de 75 % aux États-Unis et en Europe). La Fondation ne finance pas de programmes de recherche menés par des organisations d’agriculteurs. Ces derniers sont considérés comme de simples bénéficiaires de technologies développées en laboratoires et vendues par les entreprises.

Des ressources de la Fondation sont aussi allées vers des compagnies telles que Coca Cola, McDonald, Pepsico, Burger King et KFC ainsi que vers Wallmart.

- Elle achète de l'influence politique, en Afrique en particulier. L'Alliance pour la révolution verte en Afrique (AGRA) a été créée par la Fondation Gates en 2006 qui la décrit comme "le visage et la voix de l'Afrique pour [leur] travail". Comme la Fondation Gates, l'AGRA finance des programmes de recherche et des initiatives de l'agrobusiness pour développer les marchés privés de semences et d'engrais. L'AGRA intervient aussi directement dans la révision des politiques agricoles nationales. Elle agit par le biais de "points nodaux d'action politique" avec des experts qui travaillent à faire avancer des changements précis. Au Ghana, le point nodal de l'AGRA a soumis au gouvernement des révisions de la politique semencière nationale. Le Réseau pour la souverainté alimentaire du Ghana (Ghana Food Sovereignity Networt) s'y est farouchement opposé. 

A lire aussi :

Etude, Mettre le cartel avant les bœufs... Qui va contrôler les intrants agricoles ? 2013

Etude, L’appât du grain. L’agrobusiness - Quels enjeux pour l’agriculture paysanne ? 2012

Information, Les deux discours sur le développement agricole en Afrique, 2013