Cultiver le désastre
Le programme Grow permet aux multinationales de développer leur mainmise sur l'agriculture
Rapport Grain (www.grain.org)
Grow est le nom d'un programme déployé par l'agrobusiness pour favoriser les liens avec les décideurs politiques et accroître son pouvoir sur les marchés et les chaînes d'approvisionnement, tout en prétendant favoriser la sécurité alimentaire.
La sécurité alimentaire comme alibi
Ce rapport de Grain prend l'exemple de plusieurs de projets développés sous l'égide de Grow. L'un deux concerne la sécurisation de l'approvisionnement en pommes de terre de Pepsi Co au Viet Nam pour le développement du marché de sa marque chips Lay's. Il est probable que l'accroissement de l'offre en chips de pommes de terre Lay's - et des profits de Pepsi Co - contribuera beaucoup plus à affaiblir la sécurité alimentaire vietnamienne qu'à l'améliorer. Grow ne prévoit aucun processus sérieux d'évaluation des impacts des activités des entreprises soutenues. Et pourtant Grow cherche à recueillir le soutien des gouvernements et des ONG.
Entreprises participants à Grow*
BASF, Bayer, Bunge, Cargill, Carlsberg Group, Deloitte, DuPont, Heineken, International Finance Corporation, Louis Dreyfus Company, Monsanto Company, Nestlé, PepsiCo, Syngenta International, The Coca-Cola Company, The Rockefeller Foundation, Unilever, Wal-Mart, Wilmar Investment Holdings.
Groupe de pression
Grow fait partie de la Nouvelle vision de l'agriculture, une initiative de 31 entreprises agroalimentaires particiant au Forum économique modial (ou WEF pour World economic forum). 90 % de ces entreprises sont basées aux Etats-Unis ou en Europe. Pourtant, l'initiative de la Nouvelle vision pour l'agriculture et son programme Grow sont entièrement tournés vers l'Amérique latine, l'Asie et l'Afrique - les principaux marchés en croissance pour l'agrobusiness.
La Nouvelle vision pour l'agriculture est un document vague qui met principalement l'accent sur une agriculture contractuelle qui lie petits agriculteurs et multinationales. Ces dernières ne sont soumises à aucun cadre ou obligations. Les entreprises ont en revanche eu des accès directs aux instances d'élaboration des politiques agricoles. En 2011, Grow Afrique a permis de monter un partenariat avec l'Union africaine et le Nepad. Le programme a ensuite été introduit dans le G8 en 2012, ce qui a abouti à la création de la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition en Afrique, un instrument clef pour contrainte les gouvernements africains à adopter des politiques favorables aux multinationales.
Investissement bloqué en Côte d'Ivoire
Grow Afrique affirme que 25 lettres d'intention, correspondant à 963 millions de dollars d'investissement ont été signées entre la Côte d'Ivoire et ses membres. En 2013, le PDG de Louis Dreyfus Company (LDC) a signé avec Alassane Ouattara un accord portant sur 100 000 à 200 000 hectares de terres dans le nord du pays pour la production de riz. Malgré l'envergure du projet, les conditions de la transaction n'ont jamais été rendues public. Depuis, le projet semble bloqué. Les coopératives rizicoles disent avoir rejeté le contrat proposé. LDC reste siliencieux sur le projet et continue à importer du riz bon marché d'Asie, moins cher que les producteurs locaux. L'origine du riz ivoirien acheté par le négociant et qu'il expose fièrement dans les salons agro-industriels du pays demeure un mystère.
Mécanisme de prise de pouvoir
Le programme Grow aide une poignée d'entreprises à accéder, comme jamais auparavant, aux structures gouvernementales, et ainsi aux marchés et aux agriculteurs. Ce faisant, les entreprises semencières et agrochimiques obtiennent des marchés sûrs avec l'aide des crédits publics versés aux petits agriculteurs pour acheter leurs produits. Les entreprises agroalimentaires garantissent leurs approvisionnements. Grow est un mécanisme de prise de pouvoir, il n'apporte rien dans la lutte contre la faim, la pauvreté ou les changements climatiques.
*La liste exhaustive peut être trouvée ici https://www.weforum.org/projects/new-vision-for-agriculture/
Sur le Forum économique mondial :
- Brève, Davos : une "nouvelle" révolution verte souhaitée par l'agrobusiness pour l'Afrique, 2013
- Brève, Davos soutient les petites agriculteurs ? 2012
Voir aussi : Cinq bailleurs occidentaux façonnent un agenda "pro-business" pour l'agriculture africaine, Oakland Institute, 2016