Conjuguer efficacité économique et finalité sociale : Laurent Grolleau nous parle du modèle Esop en Afrique de l'Ouest

Expertise de terrain
Langue(s) : Français
Filières : Multifilières

Laurent Grolleau travaille pour le Centre international de développement et de recherche (CIDR) sur une approche entrepreneuriale du développement agricole, fondée sur la création d’Entreprises de services et organisations de producteurs (Esop).

Les Esop constituent un maillon clé du développement de filières (approche « value chain ») agroalimentaires locales : en associant des producteurs organisés et des entreprises de transformation, elles donnent aux petits producteurs un accès durable aux marchés urbains. En 2012, il y a 35 Esop en Afrique de l'Ouest et leur nombre devrait tripler sous 3 ans.

Comment trouver l'équilibre entre exigence de rentabilité et services rendus aux membres ? 

Dans le modèle Esop, les charges salariales sont un peu plus élevées que dans une entreprise classique. Il y a un suivi régulier des producteurs auxquels l'entreprise fournit des services (crédits-intrants, appui-conseil à la production, ...).  De plus, l'Esop supporte le risque : il s'écoule parfois 6 mois entre la signature du contrat avec le producteur et le moment de la récolte. Les charges sont donc plus lourdes mais sont compensées au final par la valeur ajoutée créée. On peut aussi mesurer l'impact social positif de l'entreprise sur la vie des producteurs. 

Pour que la dimension sociale reste prégnante, nous envisageons avec nos partenaires ouest-africains de créer une charte de Responsabilité sociale de l'entreprise (RSE) qui devra être respectée par toutes les Esop. L'élaboration de cette charte est nécessaire car le réseau s'élargit et nous disposons de moins en moins de temps pour chaque entrepreneur. 

Emballage du "Riz délice" au Togo © ETD

L'environnement politique et législatif est-il favorable aux Esop ?

En Afrique de l'Ouest, les positions des gouvernements quant à notre système varie. En général, les services de développement commercial au sein d'une ONG les intéressent. Notre partenaire ETD [Entreprises, territoires et développement] jouit d'une vraie reconnaissance au Togo et au Bénin. Ils sont associés aux programmes définis par les États et financé par la Banque Mondiale, le Fida,... Au Mali en revanche, le gouvernement [août 2012] est moins enclin à faire participer les ONG à ses politiques de développement. 

 

Séance de formation en technologie fromagère au Mali © ICD

Vous travaillez sur le modèle Esop depuis plusieurs années, est-il toujours innovant ?

Nous sommes encore dans une phase de développement. La première Esop fut mise en place il y a 10 ans [en 2002], mais le tissu d'entreprises se construit lentement. Nous réfléchissons avec nos partenaires à adapter le modèle au développement économique local. 

Le concept d'Esop est loin d'être pérennisé et sécurisé mais nous innovons dans nos partenariats. Les innovations tiennent aussi souvent à des personnes. Par exemple, le promoteur d'une Esop du Burkina Faso a inclus dans les services rendus aux producteurs une caution auprès de l'établissement scolaire accueillant leurs enfants. 

Propos recueillis le 27 août 2012 par Mathilde Lecler (CFSI) et édités par Justine Mounet (CFSI)

Pour creuser le sujet :

Voir l'entretien de Komi Abitor d'ETD

Voir l'entretien de Malick Diallo d'ICD