Connecter les petits exploitants aux marchés
Les petits exploitants assurent 70 % de l’ensemble de la production alimentaire. Ce fait important a été reconnu en 2013 dans les recommandations politiques du Comité sur la sécurité alimentaire mondiale (CSA)*.
Pour aller plus loin, le CSA a ensuite porté son attention, de manière plus spécifique, sur l’établissement de liens entre les petits exploitants et les marchés.
Des marchés omniprésents mais invisibles : les « marchés territoriaux »
L’intitulé du travail du CSA est porteur d’un malentendu : les petits agriculteurs seraient déconnectés des marchés. À vrai dire, presqu’aucun petit exploitant n’est exclusivement dans l’agriculture de subsistance : ils vendent tous une partie de leurs denrées. Le problème de pauvreté des petits agriculteurs n’est pas l’accès au marché en tant que tel mais l’accès à des marchés rémunérateurs, qui s’adaptent à leurs besoins.
Le problème auquel se heurtent les petits exploitants est que les types de marchés sur lesquels ils opèrent ne sont pas visibles aux décideurs politiques qui ne leur accordent pas de priorité.
Une analyse des multiples marchés sur lesquels les petits agriculteurs opèrent s’impose donc, ainsi qu’une meilleure connaissance de comment les politiques publiques peuvent les soutenir.
Le CSA a proposé d’appeler les marchés sur lesquels s’engagent la plupart des petits exploitants « territoriaux » car ils sont tous situés dans des territoires spécifiques et identifiés à travers eux. Ils peuvent opérer au niveau d’un village mais aussi à l’échelle du district, du pays, aux niveaux transfrontalier ou régional. Ils ne peuvent donc pas être considér comme locaux.
Caractéristiques des marchés territoriaux
- L’organisation des marchés territoriaux est plus ou moins formelle, mais ils conservent toujours un lien avec les autorités compétentes.
- Les marchés territoriaux dominent la fourniture d’aliments. En effet, seulement 10 à 12 % de tous les produits agricoles sont échangés sur le marché international.
- Ils sont directement liés aux systèmes alimentaires locaux, nationaux et/ou régionaux.
- Ils sont inclusifs, diversifiés, et déploient une multitude de fonctions : économique, sociale, culturelle, écologique.
- Ils sont plus rémunérateurs pour les petits exploitants car ils leur confèrent un plus grand contrôle sur les prix.
- Ils contribuent à structurer l’économie territoriale car une plus grande part de la richesse créée est restituée à l’exploitation et à l’économie locale.
- Les femmes sont les acteurs clefs de ces marchés.
Juxtaposition aux marchés « extractifs » vers le marché mondial
Les marchés territoriaux se trouvent juxtaposés aux chaînes de valeur formelles et aux marchés internationaux. Le concept linéaire de « chaîne de valeur » en tant que principe organisateur des marchés n’est pas approprié pour les marchés territoriaux, les relations entre acteurs étant davantage sur un modèle en toile d’araignée.
Les chaînes de valeurs formelles se concentrent sur la mise sur les marchés mondiaux de produits de base individuels. Elles ont la faveur des décideurs politiques qui leur prêtent modernité, rentabilité, efficience… Mais la question de savoir dans quelle mesure les chaînes de valeur mondiales contribuent à la sécurité alimentaire reste ouverte. Dans de nombreux exemples, elles ont été sources d’inégalités. Dans ces modèles extractifs, la richesse créée part à l’extérieur vers les systèmes d’approvisionnement internationaux.
Soutien aux marchés territoriaux
Les politiques publiques qui peuvent soutenir les marchés territoriaux sont :
- les politiques de fixation des prix, y compris les régulations de marché ;
- les marchés publics qui ont été reconnus comme l’une des stratégies les plus efficaces pour la réalisation progressive du droit à l’alimentation ;
- la définition des normes de qualité nutritionnelle et sanitaire, avec une approche participative adaptée aux marchés territoriaux ;
- l’accès aux services financiers et à des infrastructures de transport.
Les marchés territoriaux pour répondre aux défis planétaires
L’expérience montre que les petits agriculteurs, lorsqu’ils sont soutenus de manière appropriée, sont les mieux équipés pour :
- contribuer efficacement à la sécurité alimentaire, à la croissance économique, à la création d’emplois, à la réduction de la pauvreté et des inégalités ;
- relever les défis grandissants des chocs climatiques et de prix, et cela notamment en raison de la multifonctionnalité des marchés territoriaux.