De la poudre aux yeux des éleveurs laitiers !
La crise sanitaire a exacerbé la tendance à la baisse du prix du lait et les tensions qui en découlent, rendant la situation intenable pour la majorité des éleveurs européens. Le stockage n'est pas une solution, il repousse le problème dans le temps et en fait porter les conséquences à d’autres. Par exemple en Afrique de l'Ouest, où la poudre déstockée viendra grossir les volumes qui inondent les marchés ouest-africains et concurrencent le lait local. L'élevage y est pourtant une source de revenu irremplaçable pour la population rurale. Explications par les principaux intéressés dans cette vidéo de 2 minutes produite par SOS Faim Belgique.
La filière lait comme illustration des dérèglements alimentaires mondiaux
Le cas de la filière laitière ouest-africaine est une illustration de la façon dont les politiques agricoles et commerciales européennes alimentent la pauvreté et la faim. Cette filière est pourtant primordiale : sait-on que le cheptel bovin y est aussi important qu'en Europe ? Et que les actifs agricoles y sont bien plus nombreux.
Alors qu'une vache burkinabè produit entre 1 et 5 litres de lait par jour, une vache européenne en produit entre 25 et 30. Un élevage plus productif (quant aux volumes), des aides publiques pour pallier les prix bas sur le marché mondial qui ne couvrent pas les coûts de production de la majorité des agricultures du monde … : l'éleveur européen peut vendre son lait bien moins cher que son homologue ouest-africain. C'est mettre en concurrence un poids plume contre un poids lourd. Le consommateur burkinabè achetera plus facilement du lait européen moins cher que celui local. L'éleveur burkinabè, lui, est poussé à baisser ses prix, ce qui l'enlise dans la pauvreté. Un certain nombre d'éleveurs se détournent alors de ce secteur qui ne leur permet plus de gagner leur vie correctement. Le pays aggrave alors sa dépendance au marché mondial. (cf. vidéo Le paradoxe de la faim)
La crise sanitaire aggrave la situation
Sans régulation, l'Europe produit trop de lait et cette surproduction rejoint le marché mondial. La consommation de lait en France et en Europe ne progresse plus et toute hausse est destinée à l'exportation. La constitution de stocks pendant le confinement (mars à juin 2020), risque de déboucher sur un déstockage vers des pays où la production laitière n'est pas soutenue par des politiques et subit de plein fouet la concurrence internationale.
Après celui dû aux restrictions de circulation et de mise en marché (mesures barrières face à la Covid-19), voilà un deuxième coup qui sera porté à la situation, historiquement déjà très précaire, des éleveurs ouest-africains, majoritairement transhumants. Le nombre de personnes en situation d'extrême pauvreté et de famine pourrait exploser.
Voir la vidéo des éleveurs contre le stockage et pour la régulation du marché européen du lait : De la poudre aux yeux des éleveurs laitiers !
En savoir plus :
- Voir le site de la campagne « N'exportons pas nos problèmes »
- Voir la tribune CFSI-Oxfam, Une épreuve commune pour éleveurs européens et africains, mai 2020
- Voir la Note d'analyse des premiers impacts de la pandémie sur les exploitations familiales, Association de promotion de l'élevage au Sahel et en savane (Apess), avril 2020
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