Le droit des investissements étrangers et l'accès à une alimentation adéquate
Suite à la crise alimentaire de 2008, les Etats ont investi dans le secteur agricole et les acteurs privés leur ont emboîté le pas. Devenu porteur le secteur agricole et agroalimentaire s’est donc davantage mondialisé. Mais le droit des investissements étrangers n’a pas évolué et reste en faveur des intérêts privés. Des rééquilibrages s’imposent pour servir l’accès des populations à une alimentation adéquate.
Les Etats, soucieux d’attirer ces capitaux, sécurisent les investisseurs notamment à travers la conclusion de conventions bilatérales d’investissement (CBI). Longtemps marquées par le contexte de l’après-décolonisation et de l’instabilité politique qui en résultat, les CBI sont tournées vers la seule sécurité des investissements étrangers.
La capacité du droit international à faire en sorte que ces investissements participent à un meilleur accès à une alimentation de qualité pose question. L’accès à une alimentation de qualité implique que l’intérêt des Etats d’accueil soit pris en compte dans le droit international. Les règles en vigueur empêche une différence de traitements entre investisseurs étrangers et nationaux.
Le droit des investissements offrent cependant quelques possibilités aux gouvernements pour faire valoir l’intérêt général auprès des investisseurs dans des « conditions semblables d’exercices » :
- Dans 2 affaires, les arbitres ont considéré que des traitements différenciés étaient possibles lorsque la situation géographique d’un investisseur ou la proximité d’un cours d’eau, les rendait plus à même de nuire à l’environnement ou à la sécurité des personnes. Les Etats pourraient introduire des critères comme l’orientation des productions vers le vivrier pour différencier les investisseurs ;
- La qualification d’expropriation indirecte (réglementation publique ayant un effet équivalent à l’expropriation) ouvre d’autres perspectives. L’Etat doit indemniser les populations à la hauteur de la valeur réelle des investissements. Mais les tribunaux ont limité cette extension dans plusieurs affaires.
- Pour qu’un investisseur étranger puisse bénéficier des règles protectrices du droit international, il doit en principe démontrer en quoi l’investissement participe au développement du pays d’accueil. Mais la promotion des « investissements responsables » vis-à-vis de la sécurité alimentaire reste minoritaire.
Placer l’accès à l’alimentation au centre suppose également une meilleure implication de la société civile. Une procédure existe et permet à la société civile de soumettre des revendications juridiques lors d’un litige ente investisseurs et états. Cette intervention d’acteurs tiers permet d’introduire des préoccupations alimentaires non marchandes. Mais cette procédure n’a une portée que limitée et les conditions de recevabilité sont parfois complexes. De plus, l’implication de la société civile n'a lieu qu’en cas de litige et les arbitres restent les seuls juges.
Source : M. Cuq, « Le droit des investissements étrangers et l’accès à une alimentation adéquate », Penser une démocratie alimentaire (F.Collart Dutilleul et T. Bréger dir.), éd. INIDA, Costa Rica, vol. 1, 2013.
Creuser le sujet :
- Rapport, Soumettre la mondialisation à l’épreuve des droits de l’homme : les principes directeurs dOlivier de Schutter , 2011
- Rapport, Le droit au service des enjeux alimentaires de l’exploitation et du commerce des ressources naturelles, 2012
- Rapport, International instruments influencing the rights of people facing investments in agricultural land, 2011