Mariama Sonko, "Le soulèvement des femmes rurales"
Mariama Sonko est la présidente du mouvement panafricain « Nous sommes la solution » (NSS), qui promeut depuis 2011 la souveraineté alimentaire. Ce réseau compte actuellement environ 800 associations de femmes rurales dans huit pays d’Afrique de l’Ouest (Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée Conakry, Guinée-Bissau, Mali, Sénégal) avec plus de 180 000 membres et sympathisantes. Cette militante écoféministe de la première heure appelle à une révolution de l’agriculture familiale.
Quelles stratégies préconise votre mouvement pour que l'Afrique de l'Ouest puisse gagner en autonomie alimentaire ?
Notre mouvement vise trois objectifs. Le premier est de promouvoir les savoirs et les pratiques endogènes qui ont toujours soutenu la souveraineté alimentaire en Afrique. Le deuxième est l’influence pour une meilleure gouvernance agricole en invitant les décideurs à prendre en compte la pratique agroécologique dans nos politiques nationales agricoles. Et le troisième objectif repose sur la valorisation des produits issus de l'agriculture familiale ou des pratiques agroécologiques. Nous nous voyons comme un mouvement panafricain : notre vision, c'est une Afrique où, dans la solidarité, les femmes rurales sont impliquées dans les prises de décision, et où elles cultivent, transforment, consomment et vendent les produits issus de l'agriculture familiale ou des pratiques agroécologiques, tout en préservant leur patrimoine nourricier et leur environnement pour un développement harmonieux
Pourquoi est-ce si important de défendre la place des femmes quand on défend l'agroécologie ?
Si aujourd'hui on parle d’agroécologie, c'est notamment grâce au travail inlassable des femmes rurales pour l’alimentation de la famille. Les savoirs agroécologiques sont entre leurs mains. Au sein des organisations qui prônent la pratique agroécologique, nul n'ignore le rôle essentiel et la place de la femme rurale pour défendre ce modèle. Ce sont les femmes rurales qui fertilisent naturellement les sols avec les déchets ménagers, tandis que certains hommes déploient les intrants chimiques pour les cultures de rente. La femme est également la gardienne de la semence paysanne, comme on dit chez nous, c’est une actrice incontournable. Mais on sent une méconnaissance de ces valeurs par les jeunes générations. Nous nous battons pour conscientiser les jeunes et leur faire comprendre que l'agroécologie est un travail qui a été abattu par nos mamans, par nos ancêtres, et que ce savoir est reconnu aujourd'hui afin de nourrir le monde sainement et durablement.
Quelles actions mettez-vous en place pour mieux valoriser le travail des femmes ?
Avec le mouvement, « Nous sommes la solution », nous mettons en place des fermes agricoles où nous renforçons la capacité des actrices sur les bonnes pratiques agroécologiques, maraîchères et horticoles. Nous formons aussi à l’arboriculture, à la riziculture, l'élevage et la pêche. Nous avons une ferme horticole au Burkina Faso, une autre en Guinée Conakry, et une ici au Sénégal, en Casamance, dans mon village de Niaguis.
Pour préserver les semences paysannes (un des socles de la pratique agroécologique), nous travaillons également à la reconstitution du capital semencier paysan. Nous n’aurons jamais notre autonomie ni notre souveraineté tant que nous n'aurons pas nos propres semences adaptées à nos habitudes alimentaires, à nos valeurs traditionnelles et à notre culture. Notre grande peur, c'est que tout le travail réalisé pour rassembler ce capital semencier soit anéanti par l’introduction des OGM. Nous ne voulons pas devenir dépendants de semences extérieures.
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Dégustation de plats à base de produits agroécologiques locaux lors de la Journée internationale de la femme rurale le 15 octobre 2021 à Thionck-Essyl en Casamance © NSS
Cet article est extrait de la publication L'espoir au-delà des crises, solutions ouest-africaines pour des systèmes alimentaires durables, 3ème tome d'une série d'ouvrages collectifs édités par le programme Pafao.
