Au Togo : Promotion du consommer local & certification
Entreprises, territoires et développement (ETD) est une association togolaise qui soutient un modèle d’entreprise sociale, les Esop*, qui connecte les agriculteurs à des marchés rémunérateurs. Les Esop collectent et souvent transforment des produits locaux parmi lesquels le riz.
Komi Abitor, le directeur général d’ETD, et Jeanne Kossi, conseillère qualité sont revenus pour nous sur la question de la certification des produits transformés et ses enjeux au Togo.
Quelles sont les mesures phares prises par le gouvernement togolais pour soutenir le "consommer local” ?
Komi : Avec la crise alimentaire de 2008 notre gouvernement a pris conscience de la nécessité de soutenir la production nationale. Des projets ont été mis en œuvre pour permettre aux producteurs d’augmenter leur niveau de production, notamment dans le cadre du Programme national d’investissement agricole et de sécurité alimentaire (Pniasa, 2010-2015). Le gouvernement a également encouragé l’installation d’entreprises locales et le développement de chaînes de valeurs locales. En 2019, une nouvelle réglementation visant à limiter les importations des poulets congelés et des poissons, surtout les tilapias, est entrée en vigueur. Cette décision a poussé la population à se lancer dans la production locale. En octobre 2020 madame le Premier ministre, Victoire Tomegah-Dobgé, a signé une circulaire demandant aux ministères de s’approvisionner en produits locaux lorsqu’ils organisent des événements. Cette annonce a été suivie d’une augmentation de la demande en produits locaux par les ministères, les casernes, les sociétés d’État ou encore les sociétés privées. J’ai noté par exemple que les acheteurs qui privilégiaient les riz importés se sont mis à acheter notre riz local de la marque Délice. Cet accroissement de la demande a entrainé une amélioration des revenus des producteurs nationaux dans un contexte où la Covid-19 fragilise de nombreuses entreprises. Même si cette disposition est à saluer, notre objectif aujourd’hui est d’en faire une loi qui contraindrait les acheteurs publics et les consommateurs à prioritairement acheter des produits locaux. [...]
En quoi les achats publics de riz Délice sont-ils révélateurs d’une évolution ?
Jeanne : Il s’agit d’une marque d’entreprise de riz produit au Togo. Elle a été créée par ETD en 2004. Nous cherchions à donner une identité visuelle à notre riz et une marque permet justement aux consommateurs d’identifier facilement un produit sur un marché concurrentiel. À ce titre, elle est indispensable pour fidéliser le client et en attirer de nouveaux. Grâce à cette identité visuelle, nous pouvons aussi assurer une forme de traçabilité de nos produits en cas de problème. Les Esop qui souhaitent utiliser la marque doivent respecter un certain nombre d’exigence, parmi lesquelles avoir un certificat de salubrité à jour. Aucune structure externe n’intervient pour s’assurer que le cahier des charges associé à notre marque soit réellement respecté. ETD veille seule à l’application des règles. La qualité de nos produits a été récompensée à plusieurs reprises. Nous avons reçu en 2019 le prix des Top 100 Entreprises et en 2020 le prix de la foire Adjafi.
Komi : La création de cette marque de qualité a permis de redorer l’image du riz togolais auprès des consommateurs.Tout le monde apprécie le riz Délice. C’est la première marque en termes de volume au Togo. Ce produit fait partie du patrimoine national. Il est disponible dans tous les magasins du pays ainsi qu’au Bénin où il est référencé dans le guide d’achat des denrées agricoles du ministère des Finances. Une multitude de marques de riz a d’ailleurs vu le jour grâce à ce que nous avons fait avec le riz Délice. Il y a le riz la Colombe, le riz La Paix, le riz Cosamel, le riz Le Fermier et le riz Le Berceau. Ces marques sont essentiellement portées par des acteurs privés (associations et entreprises).
Quels autres outils les producteurs ont-ils à leur disposition pour faire valoir la qualité de leurs produits ?
Jeanne : Le Togo n’a pas de structure de labellisation. Pour obtenir un label témoignant de la qualité d’un produit, il faut se tourner vers des organismes certificateurs étrangers. Cela étant dit, le certificat de salubrité délivré par l’Institut togolais de recherche agronomique (Itra) permet de témoigner de la qualité des produits agricoles. Il est même indispensable dans le dossier de demande d’autorisation de mise en marché. Pour l’acquérir il faut qu’une analyse microbiologique du produit soit réalisée par l’Institut national d’hygiène (INH). Elle permet de détecter d’éventuels contaminants dans les produits testés. Ensuite, une analyse physico-chimique doit être effectuée par l’Itra. Cette étape est nécessaire pour déterminer les éléments composants le produit. Enfin le producteur est inspecté par des agents de l’Itra. Le certificat sanitaire n’est accordé que si les analyses sont satisfaisantes et que l’inspection ne révèle aucune malfaçon. Certains grossistes demandent à le voir avant d’effectuer leurs commandes. C’est la preuve que c’est un gage de qualité. Il met en confiance les consommateurs et permet, par ricochets, aux producteurs de gagner des parts de marché.
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Pour creuser le sujet :
- David Eloy, Labelliser pour convaincre les consommateurs, 2019
- Synthèse de discussion, Labellisation et outils d’identification des produits locaux, 2018
- Entretien avec Komi Abitor, Un financement à inventer pour les PME agroalimentaires, 2021
- Entretien avec Kokou Aziato, La certification sanitaire, une démarche qualité en développement, 2022
*Entreprises de services et organisations de producteurs.