Agriculture africaine : l'impasse des pôles de croissance agricole
Les organisations de la société civiles, dont le Roppa en Afrique de l’Ouest, s’inquiètent de voir les Etats africains soutenir avec des fonds publics de gros investisseurs privés. Rien ne prouve que les parcs agro-industriels créés ne réduisent la pauvreté et la faim.
Les pôles de croissance agricole sont développés sur des terres souvent irriguées et dotées d’infrastructures de soutien à la production, transformation et à la commercialisation. Les entreprises privées sont placées au cœur de la gouvernance, de la définition des objectifs et de la mise en œuvre.Elles bénéficient de facilités réglementaires légales, douanières et fiscales.
Une tendance de fond encouragée par des institutions internationales
Après un premier projet à Madagascar en 2005, une première vague de création de parcs agro-industriels a eu lieu entre 2008 et 2012 (Tanzanie, Mozambique, Burkina Faso, Gabon, Nigéria). Depuis lors, ils se généralisent sur tout le continent africain (Mali, Togo, Cameroun, Sierra Leone, Ethiopie, etc.) soutenus par la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, la plateforme Grow Africa, la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition (Nasan).
Investissements publics, bénéfices privés
Les pôles de croissance agricole sont bâtis sur la logique de partenariats public-privé déséquilibrés. Les acteurs publics doivent prendre en charge les investissements initiaux tout en renonçant à des rentrées fiscales et douanières et en libéralisant le secteur agricole pour en faciliter la prise en main par les entreprises privées.
Les entreprises privées n’ont quant à elles en charge que tout ou partie des coûts de fonctionnement mais sont érigées au rang de co-décisionnaire de programmes de développement.
Aucune preuve de création d’emplois décents
Les pôles de croissance agricole sont sensés générer de l’emploi industriel pour la population rurale contrainte de sortir de l’agriculture et permettre la contractualisation avec les producteurs à petite échelle restants. Dans les faits, rien d’indique que les pôles de croissance agricole créent des emplois décents ni ne garantissent des revenus suffisants pour les producteurs les plus vulnérables. Au contraire, on constate plutôt le départ des jeunes pour les zones urbaines comme dans la zone du pôle de croissance de Bagré au Burkina Faso. En outre, les enquêtes de terrain indiquent plutôt une mise en péril de la sécurité alimentaire des populations concernées.
Les organisations paysannes se mobilisent
Le Réseau des organisations paysannes et de producteurs d’Afrique de l’Ouest (Roppa) s’oppose à cette vision de la création d’unités de production et transformation à grande échelle comme solution pour le développement. Il s’alarme que le soutien croissant des décideurs ouest-africains à ce type de projet au détriment des exploitations familiales.
Il est aujourd’hui urgent de cesser de soutenir les pôles de croissance agricoles en Afrique pour concentrer les efforts sur les producteurs et productrices à petite échelle, premières victimes de la faim qui touche encore une personne sur quatre en Afrique subsaharienne.