Efficacité des réseaux d'approvisionnement des villes

Expertise de terrain
Langue(s) : Français
Filières : Multifilières, Tubercules
Pays : Côte d'Ivoire

Cédric Rabany est le directeur de Rongead, une ONG qui a développé une expertise de production d’informations sur les marchés agricoles, y compris aujourd'hui sur les filières vivrières. L’essor du vivrier marchand suit l’expansion des villes en Afrique de l’Ouest. L’agriculture familiale se révèle performante pour répondre à cette nouvelle demande, malgré les défauts de structuration du secteur, d’information et de soutien adéquat des pouvoirs publics.

Comment le secteur vivrier est-il organisé en Côte d’Ivoire ?

L’explosion démographique des villes a provoqué l’essor du « vivrier marchand » mais ce secteur reste peu organisé du côté de la production. Les OP existantes se sont souvent formées à l’initiative de commerçantes grossistes qui cherchent à regrouper les productions de leur région d’origine.
On oppose souvent le vivrier aux cultures d’exportations alors que la plupart des producteurs se situent sur ces deux marchés complémentaires. La banane plantain, par exemple, sert de plante de couverture aux nouvelles plantations de cacao. De son côté, le manioc sécurise les producteurs de cacao, café et anacarde, car sa culture est peu coûteuse, il peut se stocker « sur pied » et faire l’objet d’une transformation artisanale en attiéké [semoule très consommée en Côte d’Ivoire].

 

 

Des programmes publics soutiennent-ils les filières plantain et manioc ?

L’État ivoirien mène des initiatives d’intensification de la production (multiplication des microplants, plantain de contresaison). Or, sur les deux filières, les coûts de production sont faibles et les périodes d’indisponibilité des produits réduites. La suroffre fait chuter les prix et il n’est pas forcément intéressant d’investir dans l’intensification. À période d’abondance, les opérateurs de collecte et de commercialisation travaillent presque à perte, pour maintenir les flux financiers.

Notre analyse pour la banane plantain est qu’il serait pertinent de travailler sur la réduction de la différence entre prix payé au producteur et prix payé par le consommateur urbain. Cela passe en premier lieu par la standardisation des critères qualité et des contenants pour réduire les pertes. En second lieu, il faudrait aménager de zones adaptées de déchargement des camions pour maîtriser les coûts de distribution en ville.

 

 

Pour le manioc, la dynamisation de la demande devrait être au centre de l’attention. Avec, pourquoi pas, des incitations suivant l’exemple du Nigéria qui a établi une réglementation obligeant à une utilisation de farine de manioc pour la fabrication du pain ou d’autres applications agro-industrielles.  

Comment expliquez-vous la situation de suroffre sur les filières plantain et manioc ?

Les producteurs sont capables d’investir et d’augmenter leurs surfaces cultivées dès que la demande et les prix augmentent. On observe le même dynamisme sur les cultures d’export. Sur les trois dernières années, les prix du cacao étaient très élevés. Résultat : 200 000 tonnes de cacao ont été produites en trop en 2016. C’est-à-dire que les producteurs ont très rapidement réinvesti dans les cacaoyères.

Le discours alarmiste d’augmentation du déficit alimentaire de l’Afrique est à nuancer. Il est exact pour certaines cultures comme le riz, mais faux pour beaucoup d’autres aliments de base comme l’igname, le manioc et le plantain dont dépendent les populations les plus modestes. Les producteurs réagissent très bien à la moindre augmentation de prix en Afrique de l’Ouest, et particulièrement en Côte d’Ivoire, soulignant ainsi la performance de l’agriculture familiale. [...]

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