Les villes d'Afrique de l'Ouest sont-elles si dépendantes des importations ?

Étude/Synthèse/Article
Langue(s) : Français
Thématiques : Impact des choix de consommation, Commerce international

L'urbanisation accroît-elle la dépendance alimentaire ? Ou est-elle aussi un facteur de développement de l'agriculture locale ? Cette étude s'appuie sur des enquêtes de consommation des ménages réalisées entre 2001 et 2011.

En Afrique de l'Ouest, les importations alimentaires par habitant sont en augmentation : + 66,7 % en volume par habitant pour les céréales entre 1983 et 2013 par exemple. Parallèlement, on constate que la production alimentaire par habitant a aussi nettement augmenté depuis les années 80. Que nous révèlent les enquêtes sur la consommation des ménages ?

- La domination des céréales importée n'est pas généralisée

Les métropoles étudiées sont largement dépendantes du riz et du blé importés. Pour 8 capitales ouest-africaines étudiées, ils représentent 72 % de la valeur des céréales consommée et 62 % de tous les amylacées. 

Mais on ne peut pas conclure à une marginalisation des productions locales puisque la situation varie fortement d'une ville à l'autre (pour Bamako, Cotonou et Lomé, les importations représentent moins de 50 % de la consommation de céréales et tubercules). Le maïs, le manioc et l'igname, produits localement, restent largement consommés. La pomme de terre, les taro et macabo et la banane plantain diversifient la base amylacée de l'alimentation dans les villes du Sénégal, de Côte d'Ivoire et du Cameroun. Et si le riz a acquis une place de choix dans les régimes alimentaires des citadins, il est en partie produit localement. 

Il n'y a pas de fatalité à une domination des céréales importées dans les villes, les métropoles sahéliennes comme côtières peuvent s'alimenter à partir de produits locaux.

- La diversification alimentaire nuance la dépendance céréalière

En ville, les céréales et tubercules ne représentent plus que 37 % de la valeur de la consommation alimentaire. Les produits animaux représentent un tiers de la consommation (33 %). Et les autres produits 30 %.

Les produits animaux sont issus à 80 % de la production locale ou régionale (principalement viandes, poissons, œufs). Les produits laitiers constituent une bonne partie des 20 % importés. 

Les "autres produits" (fruits et légumes, huiles, sucre, légumineuses, condiments et épices) sont produits localement, au moins pour les deux tiers. 

Longtemps la question alimentaire a été réduite au suivi des marchés des céréales. Porter plus d'attention à tous les autres produits (les produits de sauce) comporte un double enjeu :

- nutritionnel : les problèmes nutritionnels sont moins qu'autrefois des insuffisances protéino-énergétiques mais plutôt des carences en micronutriments et des pathologies liées à l'industrialisation de la nourriture ;

- économique : les produits de sauce sont en grande majorité produits localement ou dans la sous-région. En valeur le marché urbain de ces produits est nettement plus important que le marché urbain des céréales. Tous ces produits sont passés d'un statut de "cultures vivrières" largement autoconsommées à un statut de cultures commerciales. Les cultures alimentaires commerciales d'approvisionnement des villes se sont largement développées, innovant pour adapter l'offre à la demande des citadins. Ce secteur dit "informel", mais en réalité très organisé, échappe largement aux politiques alimentaires. L'Afrique de l'Ouest est encore en transition démographique et doit créer des millions d'emplois chaque année. Les secteurs de la transformation, commercialisation et restauration en ville ont un potentiel de création d'emplois considérable. Le développement de ce secteur sous-tend l'effet d'entraînement de l'urbanisation sur l'agriculture locale.