Reconquête du marché de l'huile au Burkina Faso
Modibo Ouédraogo coordonne un projet d’APME2A de développement de la filière soja dans l’Ouest du Burkina Faso. Le soja demande peu d’investissement, enrichit le sol en azote et procure un aliment riche en protéines. La vente des surplus est assurée par des Entreprises de services et organisations de producteurs (Esop) qui fournissent une usine de trituration basée à Ouagadougou. L'huile de soja se vend bien car les consommateurs sont de plus en plus attentifs à la qualité des huiles alimentaires.
Comment est structurée la filière soja au Burkina Faso ?
Les deux nouvelles Esop de Houndé et Koumbia sont situées sur l’axe routier Bobo-Dioulasso – Ouagadougou et alimentent une usine de trituration de la capitale : la Société industrielle de l'agroalimentaire pour la transformation des oléagineux (Siatol).
Siatol a été établie par d’anciens salariés d’Esop avec l’idée de créer plus de valeur ajoutée grâce à la production d’huile de soja (pour la cuisine) et de tourteaux (pour l’alimentation des volailles). Les 6 Esop soja du Burkina fournissent 70 % du soja traité par Siatol.
Dans quel contexte sont nées les Esop soja ?
Il existait déjà 4 Esop soja mais aucune dans l’Ouest du Burkina qui est la région de production du coton. Or, le revenu de cette culture d’exportation est très tributaire du marché international. La diversification des sources de revenu des cotonculteurs est primordiale.
Le soja est très adapté aux conditions du milieu et il a besoin de moins d’intrants chimiques, ce qui minimise les coûts de production et rend l’exploitation plus durable. Mais en travaillant avec les agriculteurs familiaux, nous avons constaté qu’ils n’arrivaient pas à tirer profit de leur activité. Même s’ils ont des surplus, ce sont les intermédiaires qui en profitent.
Depuis 2003, le CIDR expérimente le modèle des Entreprises de services et organisations de producteurs (Esop) au Burkina Faso comme système d’accès au marché pour les petits producteurs. Nous avons remarqué que là où ces entreprises sont implantées, la filière concernée se développe. La mise en place d’Esop soja a donc été envisagée comme un moyen de mieux rémunérer les petits et moyens producteurs.
Le modèle « Esop » est-il économiquement rentable ?
Au départ, nous dépendions des partenaires financiers pour faire tourner les Esop. Puis en 2014, c’est Siatol qui a financé le fonds de roulement des deux nouvelles Esop soja. Comme la marge brute annuelle est assez importante, les Esop ont été en mesure de s’autofinancer dès 2015. L’objectif consistant à créer des entreprises financièrement autonomes est atteint.
Ces deux dernières années, l’Esop de Houndé a réussi à vendre 480 tonnes de soja pour une valeur de 108,6 millions de FCFA et celle du Koumbia 207 tonnes pour 46,6 millions de FCFA. Chaque tonne de soja achetée aux producteurs rapporte un bénéfice de 24 500 FCFA à l’Esop.
Quelle est la situation du marché des huiles alimentaires ?
La demande annuelle en huiles alimentaires est estimée à 95 000 tonnes avec un taux de croissance de 4 % par an. L’offre en huiles locales (huile de coton et huile de soja) n’est pour le moment que de 30 à 40 000 tonnes par an. L’écart est principalement comblé par des importations d’huile de palme d’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire et Togo) mais aussi d’Asie (Malaisie et Indonésie).
L’huile de soja est une très bonne huile de cuisson avec de multiples bienfaits pour la santé. Son prix (1 100 FCFA le litre) est un peu plus élevé que celui de l’huile de palme de moyenne gamme (950 FCFA le litre) et de l’huile de coton (900 FCFA le litre). Le contexte est actuellement très favorable car, avec le changement de régime au Burkina Faso, on a assisté à des démantèlements d’unités de production d’huiles frelatées impropres à la consommation (huile de coton mélangé à de l’huile de vidange), cela a fait scandale et les consommateurs sont maintenant très regardants sur la qualité. [...]
Propos recueillis en août 2016 par Toky Ramananjatovo (CFSI), édités en octobre 2016. Photos © APME2A
Creuser le sujet :
- Fiche innovation, Structuration et développement de la filière soja au Burkina Faso, 2016
- Rapport, Étude sur la filière soja au Burkina Faso, Kondoudry Nasser Bila, 2009
- Rapport, SIATOL - Evaluation d’impact à 360°, 2016
- Témoignage, Conjuguer efficacité économique et finalité sociale, 2013