Le libre-échange ne nourrira pas le monde
Au Nord comme au Sud, agriculteurs et éleveurs s'inquiètent de la multiplication des accords bilatéraux de libre-échange. Ils y voient une menace pour la sécurité alimentaire.
Photo : Manifestation en Equateur contre le projet de traité de libre-échange (TLC) avec les Etats-Unis © Fanny Darbois
En dépit de blocages persistants à à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les partisans de la libéralisation des échanges ne baissent pas les bras. Le nombre d’accords bilatéraux en cours de ratification ou de négociation ne cesse de progresser, incluant tous un volet agricole. En témoigne l’attitude de l’Union européenne, engagée sur de multiples fronts : alors que le Parlement européen doit se prononcer cet automne sur la ratification des accords de partenariat économique (APE) avec les pays d’Afrique australe et d’Afrique de l’Ouest (voir page 8), les chefs d’Etat et de gouvernement vont se pencher sur l’accord commercial Europe-Canada (Ceta). Et si la France a demandé le 30 août l’arrêt des négociations sur le traité de libre-échange transatlantique (Tafta), qui doit régir les relations commerciales entre le Vieux Continent et les Etats-Unis, celles-ci ne sont pas formellement interrompues.
Un avant-goût canadien
Au Nord, les agriculteurs sont inquiets. Non sans raison : le commerce de produits agricoles et agroalimentaires entre l’Union européenne et le Canada n’est certes pas le principal enjeu du Ceta, mais l’accord prévoit d’octroyer aux producteurs canadiens des quotas d’exportation de viande de bœuf et de porc, qui représentent respectivement 0,8 % et 0,4 % de la production européenne. « Selon la Commission européenne, les effets devraient être très limités, car les quantités sont modestes et le Canada n’utilise pas aujourd’hui la totalité des quotas qui lui ont déjà été accordés. Mais ces nouvelles concessions de la part de l’Union européenne pourraient changer la donne et renforcer la détermination du gouvernement
et des producteurs canadiens à obtenir un assouplissement des règlements sanitaires européens », estime Amélie Canonne, présidente de l’Association internationale des techniciens, experts et chercheurs (Aitec), qui travaille sur les accords de libre-échange.
Les producteurs européens tirent à boulet rouge sur cet accord qui, s’il était signé, pourrait servir de modèle au Tafta, actuellement en discussion. Ce dernier représenterait une menace
compte tenu du poids des deux protagonistes : l’Union européenne et les Etats- Unis sont chacun le premier partenaire commercial de l’autre. En raison de ses « produits sensibles », l’agriculture est encore l’un des derniers secteurs où les droits de douane sont élevés. [...]
Article issu du numéro spécial d'Alternatives Economiques "Manger local ou manger mondial", réalisé en partenariat avec le CFSI, dans le cadre de la campagne ALIMENTERRE 2016.