Quel accompagnement des producteurs sur la voie de l'agroécologie ? De la pratique à une démarche
Ce document est une synthèse du travail de capitalisation mené en 2014-2015 par l’équipe Fert au Burkina Faso, l’Accir et les unions départementales de producteurs de niébé de Dablo, Pensa et Pissila.
Depuis une dizaine d’années, les agriculteurs membres de trois unions de producteurs de niébé (environ 1 700 agriculteurs) au nord du Burkina Faso (province du Sanmatenga) ont testé un ensemble de pratiques agroécologiques. Les objectifs sont de restaurer la fertilité des sols, de contourner le problème d’accès aux intrants, d’améliorer les rendements, ainsi que de réduire la vulnérabilité des exploitations face aux variations climatiques.
L'agroécologie, une solution ? (paroles d'agriculteurs)
Les producteurs (hommes et femmes) sont très conscients de la dégradation de l’environnement, de la baisse de la fertilité des sols et de la nécessité de s’y adapter. Dans un contexte si difficile (rareté des pluies, surexploitation des sols, manque de moyens financiers), ils soulignent qu’ils doivent avoir recours à des solutions durables « pour que les enfants puissent encore cultiver sur leurs terres ».
Toutefois, les solutions les plus efficaces et les plus adoptées restent les variétés améliorées, la fertilisation chimique et les traitements insecticides. Même si la conscience et la réflexion sont là, l'application de pratiques agro écologiques reste encore trop contraignante à l’échelle des exploitations agricoles familiales : neem préventif mais pas curatif (« le neem ne tue pas les insectes »), quantité importante de graines nécessaire, zaï et demi lunes pénibles et très exigeants en main d’œuvre, fumure organique souvent insuffisante car manque de matières premières et d’eau, etc.
Dans ce contexte, comment s’y prendre pour accompagner les agriculteurs dans l’adoption de ces pratiques ? Voici quelques éléments de réponse tirés de cette expérience.
Dimension socio-foncière
Il est nécessaire de faire attention aux interventions à « entrée technique », fondées sur l’amélioration de la qualité (agronomique, environnementale). La dimension socio-foncière doit être prise en compte.
Les producteurs sont conscients des limites de l’utilisation des intrants chimiques et variétés améliorées. Ils souhaitent mieux gérer la fertilité des sols et mieux protéger leurs ressources naturelles via des solutions adaptées et durables. Cela implique pour le producteur d’accepter d’obtenir des résultats non pas à court terme, mais à « moyen terme ». Pour cela, il doit avoir sécurisé sa terre avant tout mais aussi une partie de sa production (autosuffisance alimentaire).
L’idée n’est pas d’imposer un mode de production plutôt qu’un autre mais de montrer au producteur qu’il y a plusieurs voies et considérer que l’agriculteur est au cœur de la décision en lui apportant les éléments nécessaires de réflexion suivant les paramètres de son contexte propre. Cela passe par du conseil à l’exploitation familiale, prenant en compte la stratégie du producteur en termes de gestion des risques.
Changement d'échelle
Au stade actuel, les pratiques agro écologiques testées sont trop contraignantes pour ces exploitations vulnérables. Des solutions restent encore à trouver, en levant les contraintes soulignées par les producteurs : pénibilité du travail, main d’œuvre, matières premières, eau et efficacité des traitements "naturels". La recherche a là un rôle à jouer en collaboration avec les producteurs (pour mieux répondre à leurs besoins) et les acteurs du développement agricole (institutions étatiques, privés, ONG).
Les organisations professionnelles agricoles, de par le grand nombre de producteurs impliqués et leur implantation dans le terroir, sont aussi indispensables au changement d’échelle qui augmentera l’efficacité des pratiques agro écologiques.