Les agricultures familiales dans la tourmente de l'innovation

Étude/Synthèse/Article
Langue(s) : Français
Thématiques : Agriculture durable

Dans le cadre de l'Année international de l'agriculture familiale, Sciences au Sud, le journal de l'Institut de recherche pour le développement (IRD), consacre un article à la capacité d'innovation des agricultures familiales. Par l'innovation, elles s'adaptent et répondent aux défis de la sécurité alimentaire, de la lutte contre la pauvreté et de la gestion des ressources naturelles. Mais la route du changement est semée d'embûches. 

Photo : © IRD / O. Dangles

Nourrir le monde tout en préservant la planète. Qui relèvera le défi ? Alors qu'on les croyait vouées à disparaître, les agricultures familiales tiennent leur place face aux firmes agro-industrielles : 500 millions de fermes assurent plus de la moitié de la production agricole mondiale et font vivre près de 3 milliards de personnes. Reste à savoir comment ces petites exploitations, fondées sur la main d'œuvre familiale et généralement caractérisées par des rendements faibles, continueront à évoluer pour répondre aux enjeux actuels. "L'innovation est essentielle, affirme Pascale Phélinas, économique à l'IRD, Elle conditionne la survie de ces exploitations dans le contexte de la mondialisation." S'adapter, changer... La transformation des agricultures familiales s'impose comme une nécessité. Ici, l'innovation recouvre autant des nouvelles pratiques, des connaissances ou des nouveautés matérielles, comme des semences, que des changements sociaux ou organisationnels telles la mise en réseau de producteurs, une meilleure organisation des circuits de distribution ou de commercialisation. 

Les obstacles à l'adoption

Pour autant, la question fait débat. « Le mot "innovation" recouvrent des appréciations parfois antagonistes. Il est utilisé par des acteurs ayant différentes représentations de la vie rurale, par exemple entre un modèle agro-écologique et l’agrobusiness », précise Valéria Hernandez, anthropologue. D’après Guy Faure, chercheur au Cirad, « au-delà des besoins en terme de compétitivité, de sécurité alimentaire ou de gestion des ressources naturelles, l’innovation peut être interrogée : quel changement porte-t-elle ? Vers quel type de développement ? » Nécessités, contraintes, choix de société et des individus se cristallisent autour de l’innovation et deviennent inextricables. Multifacettes, le changement ne s’opère pas via un simple transfert de techniques. « Une idée ou une pratique nouvelle va devoir s’inscrire dans une réalité pour devenir une innovation, poursuit le chercheur, Une technique peut s’avérer légitime pour résoudre un problème d’environnement, comme l’érosion des sols, ou avoir fait ses preuves en améliorant la productivité dans un endroit donné. Cependant, elle ne s’appliquera pas de manière systématique ailleurs. Chaque fois, se pose le problème de l’adaptation aux conditions locales et de la réappropriation par les agriculteurs ». Dans le cas d’innovations dites « exogènes », issues de la recherche, de divers services techniques ou de sociétés privées, l’expérience révèle autant de réussites que d’échec. « Une technique nouvelle, inventée et testée en station agronomique, ne conviendra pas forcément aux paysans, ils sont soumis à d’autres contraintes économiques, sociologiques et écologiques », explique Georges Serpantié. Résultat, des techniques a priori prometteuses ont été peu adoptées. Par exemple, dans le cadre de la lutte contre les ravageurs, la protection intégrée des cultures a du mal à prendre, particulièrement dans les pays du Sud. Les causes possibles à cette faible adoption ont fait récemment l’objet d’une vaste enquête auprès de professionnels agricoles à travers le monde, identifiant toute une série d’obstacles à l’appropriation de ces techniques, alternatives aux pesticides. Certains écueils sont connus de longue date : la faiblesse des programmes de formations auprès des agriculteurs ou le lobbying des industries d’agrochimie. Apparaissent, en plus, d’autres motifs d’insuccès. « Le manque d’action collective au sein d’une communauté d’agriculteurs représente un blocage, constate Olivier Dangles, chercheur à l’IRD. Un agriculteur peut innover vers des pratiques intégrées pour contrôler les ravageurs de son champ, mais si son voisin n’en fait pas autant, ses efforts sont perdus. » Depuis des années, l’attention s’est focalisée sur le monde agricole et cherche à dépasser des obstacles culturels, sociaux ou économiques. Cependant, d’après Georges Serpantié, « dans certaines situations, le problème ne vient certainement pas des paysans, il réside en amont, chez les promoteurs de l’innovation ». Des travaux menés à Madagascar sur la faible adoption du système de riziculture intensice (SRI) […]

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