La patate douce se transforme en Mauritanie. Entretien avec Hawa War
Dans le Gorgol (sud de la Mauritanie), de nombreux paysans produisent de la patate douce, aliment de grande valeur nutritive. Mais les pertes post-récolte sont estimées à 50 % du fait de l'enclavement de la région et des problèmes de conservation. Hawar War supervise pour le Grdr un projet qui encourage la transformation de la patate douce, la valorisation de ses feuilles pour l’élevage et la structuration de la filière pour sécuriser les débouchés.
Les producteurs arrivent-ils à vivre de la production de patates douces ?
Seulement 3 % de la récolte de patates douces est consommée par la famille du producteur. Le reste est vendu en ville. Tous les producteurs visent le marché de Nouakchott, à 465 kilomètres d’ici. La plupart font appel à des transporteurs, ou bien la vendent à des grossistes. Un diagnostic a été réalisé sur la répartition des marges au sein de la filière : les producteurs sont lésés. En période de récolte, l’offre inonde le marché et les prix chutent.
Quelles peuvent être les solutions ?
Nous voudrions réussir à réguler l’offre. Nous prévoyons ainsi de créer des fosses de conservation, dont le mode de gestion devrait être fixé grâce au cadre de concertation que nous avons mis en place. Il existe également des magasins que nous voudrions valoriser. Ils seront donc réfectionnés et serviront de lieu de conservation pour les producteurs, qui devront payer un petit forfait pour l’entretien des locaux.
Quelle est le rôle des femmes dans la filière ?
Ce sont les hommes qui cultivent la patate à grande échelle, mais c’est traditionnellement aux femmes que revient l’activité de transformation et de vente sur les marchés des produits agricoles. C’est pourquoi nous leur donnons la priorité dans la gestion du Groupement d’intérêt économique (GIE) de la patate douce. Nous comptons les former à la transformation des cossettes de patates douces en farine, et ensuite nous installerons les kits de transformation. Nous allons également les mettre en contact avec des femmes d'une autre commune qui pratiquent déjà la transformation de la patate douce en farine.
Comment comptez-vous améliorer l’accès aux marchés urbains rémunérateurs ?
Nous sommes favorables aux circuits-courts. Nous voudrions que ce soient les femmes plutôt que les grossistes qui achètent aux producteurs. Nous avons identifié des points de vente en ville, et nous comptons également faire un peu de marketing. La farine de patate douce étant très riche, nous voulons souligner le fait qu’elle peut être utilisée pour réduire la malnutrition. Partant de cet argument, nous aimerions également développer un partenariat avec des ONG intervenant dans la région, notamment le Programme Alimentaire Mondiale (PAM) et Action Contre la Faim Espagne, qui appuient des centres accueillant des enfants malnutris. Ces centres passent commande chaque semestre pour leur approvisionnement en nourriture. Passer un contrat avec eux serait donc sécurisant pour nous, car cela nous assurerait un débouché. [...]
Propos recueillis le 9 août 2012 par Mathilde Lecler (CFSI) et édités par Hélène Basquin (CFSI)