La filière Fonio a de l'avenir au Burkina Faso, entretien avec Philippe Ki
Le fonio est cultivé depuis des siècles au Burkina Faso, mais est en perte de vitesse : du producteur au consommateur, il est vu comme trop laborieux. Pourtant, cette céréale reste appréciée pour ses qualités gustatives et suscite un intérêt croissant au niveau mondial pour ses vertus nutritionnelles.
Philippe Ki coordonne le programme de renforcement de la filière fonio de l’Association pour la promotion de la sécurité et de la souveraineté alimentaires au Burkina (APROSSA – Afrique Verte Burkina). L’objectif est de relancer cette agriculture familiale de manière durable.
Qu’est-ce qui explique le recul du fonio sur les marchés burkinabés ?
Alimenter les villes, c’est mettre à la disposition des urbains une nourriture adaptée à leur mode de vie. Les céréales brutes (mil, sorgho, etc.) impliquent du temps de pilage, lavage, séchage et cuisson. Les gens ayant peu de temps pour les travaux ménagers, ils achètent des produits de substitution importés (pâtes, pain, riz, couscous, etc.).
Comment comptez-vous reconquérir les villes ?
Les transformatrices rurales font un premier pilage et vendent aux transformatrices urbaines qui en font un autre. La mise en sachet prêt à l’emploi garantit au client un gain de temps et un produit de qualité.
Nous participons à des foires et événements pour nous faire connaître et convaincre que le fonio transformé est identique au fait maison. Les compétitions incitent les transformatrices à innover. Aujourd’hui, elles font de la farine, des boissons instantanées et même des crêpes.
Il y a aussi un marché sous-régional : à la FIARA de Dakar nos transformatrices ont vendu tout leur stock.
Pourquoi vous êtes-vous engagé dans le commerce équitable ?
La valeur ajoutée du commerce équitable, c’est l’expérience d’intérêts partagés du producteur au consommateur, la mise en place d’une filière équitable pour l’ensemble des maillons.
Le fonio équitable est-il compétitif sur le marché burkinabé ?
Le consommateur burkinabé préfère les produits locaux, mais dans la limite du coût. Pour une filière durable économiquement, non dépendante du marché d’export, le prix doit être le même qu’à l’exportation.
Votre projet repose sur la concertation entre acteurs de la filière, pourquoi ?
La conquête du marché urbain demande des efforts à l'agriculture familiale (qualité, compétitivité, agressivité commerciale, régularité de l’approvisionnement, etc.) que le maillon de la production ne peut pas accomplir seul : cela passe par la concertation.
Les producteurs augmentent leurs marges du fait de l’absence d’intermédiaire. Grâce à la contractualisation, ils s’accordent avec les transformatrices sur les prix et s’engagent en contrepartie sur les quantités, la qualité, les délais de livraison, etc.
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Propos des 17 août 2011 et 19 mars 2012 édités par Justine Mounet le 26 juillet 2013.
Pour creuser le sujet :
Fiche innovation, Concertation entre les différents maillons de la chaîne de valeur du fonio, 2013
Information, Burkina Faso : un fonio équitable et local, 2013
Philippe Ki, Les transformatrices de céréales du Faso en réseau, 2012
Étude, Les céréales au cœur d’une Afrique de l’Ouest nourricière, 2012
Ce projet a bénéficié d'un financement dans le cadre du programme « Promotion de l’agriculture familiale en Afrique de l’Ouest » (PAFAO, appel 2011) porté par la Fondation de France et le CFSI. Il bénéficie de la contribution de la Fondation Ensemble, de la Fondation L’OCCITANE et de l’Agence Française de Développement depuis 2013. La SEED Foundation participe également au volet capitalisation du programme.