Abdou Seydou Mané : Du riz et des hommes en Casamance
L’espoir de paix revenue en Casamance à partir de 2004 (signature d'accords de paix en décembre 2004), la région naturellement riche pourrait redevenir le «grenier » du Sénégal. Le fleuve Casamance présente en effet un vaste réseau de marigots et de mangroves. Abdou Seydou Mané est le coordinateur de la cellule du GRDR à Ziguinchor qui œuvre à l’intensification de la production de riz, base de l’alimentation des sénégalais.
A quelles difficultés les riziculteurs de Casamance sont-ils confrontés ?
Abdou Seydou Mané : Pendant les années 70, la pluviométrie était telle que la production rizicole permettait de couvrir les besoins des populations. Ensuite, les changements climatiques ont entraîné la baisse de la production : les surfaces cultivables ont diminué avec l’intrusion de la « langue salée » [note CFSI : intrusion d’eau de mer dans la nappe phréatique d’eau douce] et les semences utilisées n’étaient plus adaptées aux nouvelles conditions climatiques.
Comment les producteurs peuvent-ils s’adapter aux nouvelles conditions climatiques ?
ABS : L’introduction de nouvelles variétés de riz, accompagnées de techniques culturales spécifiques, a été très efficace. Avant l’intervention du GRDR dans la zone, la production obtenue avec les variétés traditionnelles ne permettait de couvrir que 3 à 5 mois de consommation de riz dans l’année. Tandis qu’avec les variétés améliorées, les paysans parviennent à satisfaire leurs besoins pour au moins 9 mois, voire 12 selon les années. Nous appuyons les producteurs de semences améliorées car il y a eu une ruée sur les semences améliorées et les magasins ne sont plus en mesure de satisfaire les besoins.
Comment vous assurez-vous de la pérennité de votre intervention ?
ABS : Le projet est porté par les comités de gestion des vallées mis en place depuis le début des aménagements [réalisation d’ouvrages anti-sels et de rétention d’eau]. Les femmes ont ensuite rejoint ces comités car elles jouent un rôle très important dans la riziculture. Ces « comités vallées » assurent tout le travail, depuis la réalisation des essais jusqu’à la diffusion des semences et bonnes pratiques. Nous avons aussi encouragé la mise en place de comités inter-villageois organisés autour des magasins de semences, et ces comités ont évolué vers des coopératives agricoles. Les bénéficiaires ont défini eux-mêmes le mode de gestion des semences : c’est le système de troc qui est maintenu, car traditionnellement le riz en Casamance ne se vendait pas. Mais, grâce la poursuite de l’intensification, le riz va se retrouver sur le marché dans les 5 prochaines années avec un label « riz Casamance ».
Propos recueillis par la Fondation de France.
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Ce projet a bénéficié d'un financement dans le cadre du programme « Agriculture et Alimentation » (appel 2010) du CFSI et de la Fondation de France.