Main basse sur les terres: Stefano Liberti dénonce le nouveau colonialisme
A l’occasion de la publication de son livre « Main basse sur la terre. Land grabbing et nouveau colonialisme », Oxfam France a interviewé Stefano Liberti, journaliste et documentariste italien, spécialiste des questions africaines. Liberti a analysé le phénomène des accaparements de terre de l’Ethiopie au Brésil, en passant par l’Arabie Saoudite, la Tanzanie et la Suisse.
O.-F. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ce livre-enquête sur les accaparements de terre ?
Stefano Liberti : J’ai commencé à m’intéresser à ce phénomène lors de la crise alimentaire de 2008, quand les prix des produits de base ont flambé. A l’époque, je tournais un documentaire pour la télévision italienne. Je suis allé enquêter sur le terrain au Brésil et à la bourse de Chicago, là où est établie la valeur des produits alimentaires de base. Des experts m’ont alors expliqué que le business du futur c’était les marchés alimentaires et que des milliards de dollars de capital spéculatif étaient en train de se déplacer vers les produits alimentaires et l’acquisition de terres dans les pays du Sud. Ça m’a intrigué et j’ai continué mon enquête sur le terrain, enquête qui m’a mené sur quatre continents et m’a fait rencontrer des dizaines de personnes : paysans déplacés, fonctionnaires locaux, investisseurs, fonctionnaires internationaux, etc. Après trois ans d’enquête, j’ai écrit ce livre.
O.-F. Qu’est-ce qui vous a plus choqué au cours de votre enquête ?
Stefano Liberti : L’inaction des gouvernements concernés, qui donnent la terre pour des loyers symboliques aux investisseurs étrangers. L’idée qui sous-tend ces décisions est que seuls les investisseurs étrangers peuvent apporter le développement à leur pays. En réalité, en ce qui concerne les situations que j’ai vues, tous les investissements ont l’objectif de produire pour l’exportation et ne s’insèrent nullement dans un système de développement intégré d’infrastructure et de commercialisation dans les pays concernés. Il s’agit en fait d’enclaves extraterritoriales [...]
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